En tissant des interactions entre la sphère intime d’un adolescent et l’univers social dans lequel il baigne, Gabriele Muccino espérait bien réussir un coup double : photographier cet instant où l’adolescence bascule vers la maturité et en même temps évoquer l’état d’esprit de la nouvelle génération italienne. Malheureusement, dans les deux cas, le cinéaste loupe sa cible. De sa tentative ne subsiste qu’une banale bluette sentimentale noyée dans un univers exsangue parsemé de clichés éculés. Le conformisme de l’histoire témoigne lui-même de cette anémie. Un groupe de lycéens occupe son école pour protester contre « l’homologation » (le formatage des esprits) et la privatisation. Parmi eux, Silvio tente aussi de se faire une idée de la nature des relations entre garçons et filles.
Pourtant, rien de vraiment choquant n’affecte la tenue de Comme toi… La quête d’amour hasardeuse du personnage principal tient la route, sa meilleure amie triturée par l’idée de la mort est touchante, ses amis amusants, l’histoire agréable à suivre. Mais voilà, rien de beau, rien de nouveau. On survole de loin ces individus pour n’apercevoir que la silhouette d’une adolescence standardisée, comme formatée dans le moule d’une psychologie avide de calibrage. Finalement, Gabriele Muccino donne de cet âge une vision sommaire et lointaine qu’il sacrifie sur l’autel d’un romantisme qui patauge dans le sentimentalisme bon enfant. Paradoxalement, sa réalisation stagne au niveau des personnages. Aucune distance ne vient la séparer des comportements qu’elle enregistre pour donner forme à un discours qui serait celui du cinéaste. Elle accompagne chaque acte à la manière d’un frère siamois, si bien que le film devient lui-même cet adolescent générique qu’il s’évertue à faire exister, et oublie de nous offrir un regard pertinent. Sa typologie grossière et désuète des groupes de jeunes de la rue (punks, branchés, skins et débraillés), comme ses interrogations passéistes à propos des retombées de Mai 68 sur les enfants des protagonistes (« papa et maman ont fait une vraie révolution eux ! »), compose un réalisme de salon digne d’un film de vieux cinéaste cloîtré chez lui depuis une bonne quinzaine d’années. Gabriele Muccino se contente de poser ses gros sabots sur des traces anciennes, sans s’apercevoir qu’elles font déjà partie de la préhistoire sociologique.