Kronos QuartetDisque après disque, la bande de David Harrington n’en finit pas de bousculer les conventions, véritable gratte-poils de l’establishment musical -en tout cas, d’une certaine caste de musicologues que ce nouvel enregistrement ne manquera pas, à maints égards, de chiffonner. Early music, donc, des petites pièces de Perotin, Purcell, von BIngen, et autres de Machaut côtoyant néanmoins des compositions beaucoup plus proches de nous, comme celles de Schnittke, David Lamb ou Arvo Pärt, l’incontournable. Le tout savamment arrangé pour cordes, avec soutien, parfois, d’autres instruments (percussions, bagpipe… et les cloches de l’abbaye de Solesmes). Et le tout, in fine, pour nous démontrer quoi ? S’il n’a y a pas quelque malice sous cette compil’médiévo-post-industrielle, c’est qu’on ne connait plus nos Kronos…
Une chose -louable- est de vouloir faire éclater les frontières temporelles et spatiales de l’histoire de la musique, et les quatre complices y réussissent stylistiquement à merveille. Une autre -et comment ne pas soupçonner nos quatre lascars de pareille intention, sinon, à quoi bon Early music, seulement ?…- une autre, donc, est de vouloir nous laisser croire que, grosso modo, on n’aurait pas inventé grand chose depuis de Machaut. Et, de fait, écoutez ce disque une première fois les yeux fermés : le passage du XVIè au XXè siècle n’est pas forcément si évident… Bref, encore pas mal de grain à moudre pour ceux qui n’en finissent pas de chanter le requiem pour une avant-garde, et les autres qui ne jureront, envers et contre tous, que par leurs antiques chéris. Nous, on écoute tout ça sans trop se poser de question et avec une égale jubilation, contents de constater que les Kronos poursuivent leur bonhomme de chemin sans autres considérations. Enfin, en apparence…