Hanno Müller-Brachmann (baryton-basse), Malcolm Martineau (piano).


Depuis quelques mois, se succèdent, à folle et belle allure, cycles et récitals Schubert par une jeune garde de barytons bien montante : pour n’en citer qu’un, le plus doué d’entre eux, Matthias Goerne -d’abord parce qu’il nous a livré, coup sur coup, deux maîtres-disques (Goethe-Lieder chez Decca et Winterreise chez Hypérion) ; ensuite parce qu’il partage avec ce nouveau venu le privilège de sortir des classes de maître Fischer-Dieskau, qui dispense donc son art aussi haut et beau qu’il le porta lui-même, c’est plutôt rare.

Dissipons d’entrée tout malentendu : Hanno Müller-Brachmann n’est du calibre ni d’un Fischer (mais qui ?) ni même de son ex-condisciple, dont il ne possède manifestement pas l’instinct éclatant. Mais le matériau vocal est suffisamment beau pour qu’on y prête une oreille plus que prévenante : ce n’est pas tous les jours, par exemple, que l’on peut entendre Wanderers Nachtlieder si sensibles, ou Der Musensohn si gaillard, pour ne pas penser que le reste (c’est-à-dire les défauts) est affaire de jeunesse. Car tout le monde n’est pas génial à 27 ans (en clair, tout le monde ne s’appelle pas Stephan Genz) : alors, oui, ici le timbre est encore vert et l’aigu un peu flottant ; oui, le grave manque pas mal de substance, quand il n’esquive pas, tout bonnement ; oui, enfin, tout cela est encore un peu lisse, parfois trop monocorde pour soutenir pleinement l’attention (on aurait aimé un Gruppe aus dem Tartarus plus véhément, c’est sûr). Mais il y a par ailleurs de si fines intuitions (Der Wanderer), de tels épanchements (Der Tod und das Mädchen), on l’a dit, une si jolie sensibilité générale -mais l’excellent Martineau n’y est pas pour rien-, que l’on prie très fort pour l’épanouissement de ce bel organe. L’intelligence est là, parions que Müller-Brachmann saura bientôt l’exprimer en pleine possession de moyens qu’il porte en germe : bref, pour une fois, laissons le temps au temps…

Stéphane Grant