Scott Ross a fait beaucoup pour Domenico Scarlatti. Il faut avoir écouté son intégrale des 550 sonates pour clavecin. Pourtant cette entreprise a rejeté dans l’ombre tout le reste de sa production. De plus, toutes ses compositions sacrées ont longtemps souffert de la concurrence de Bach et de Haendel, ses deux plus illustres contemporains. Si les œuvres de Bach ne souffrent pas la comparaison, celles de Haendel ne sortent pas grandies de la confrontation. La différence est la même qu’entre une église baroque et une église romane. Bien sûr Scarlatti est baroque. Cependant, son Stabat Mater dégage une intimité, une proximité avec Dieu que le Messie de Haendel par exemple annihile complètement.
Il est évident que le flamboiement de Saint-Pierre de Rome n’a rien à voir avec la sobriété d’une chapelle romane des Pyrénées. L’intensité du recueillement est sans commune mesure. Là où le style de Haendel n’est que déclamation, sucreries meringuées, l’art de Scarlatti est un petit biscuit à savourer avec le thé, calme et reposé. Scarlatti est un compositeur d’intérieur. Il ne se fatigue pas à représenter, à démontrer. Scarlatti provoque le retour sur soi. De plus à l’écoute de ce disque, on perçoit avec quelle simplicité il utilise l’orgue. Haendel en jouait comme un virtuose, remportant le concours qui l’opposait à Scarlatti. Mais pour ce dernier, les voix priment avant tout.
L’ensemble des œuvres réunies ici sont des bijoux à écouter tranquillement. Scarlatti ne brosse pas le fidèle dans le sens du poil. Pas d’artifices grossiers, de ficelles pour tirer de grosses larmes. Ecoutez ce Stabat Mater emprunt de religiosité, de profondeur. La douleur n’est pas extériorisée vulgairement ; Scarlatti est pudique. La beauté polyphonique des lignes vocales, l’écriture contrapuntique maîtrisée jusque dans sa plus humble simplicité donnent à cette musique sa personnalité. Laissez vous transporter, guider dans les profondeurs d’une foi digne. A ce titre l’interprétation de l’Ensemble William Byrd, formé de chanteurs français, est remarquable. Enregistrée dans la très belle abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache, cette version possède une âme propre, une intériorité exemplaire. Pas de superflu, pas d’excès. On a l’impression d’assister, de participer à cette Messe, à ce Stabat. La clarté poignante des voix, l’articulation satisfaisante de la langue latine font que l’auditeur se retrouve plongé au sein de la cérémonie, comme un invité de marque. Tout y est limpide, évident et toujours respectueux. Servie par des interprètes excellents, cette musique retrouve sa place aux côtés de celle de Bach, comme une musique « humaine, trop humaine »…