Musique grégorienne, polyphonie du Ve au XIIIe siècle, textes sacrés. Voilà qui semble austère. A vrai dire, ces mélodies sont si intemporelles qu’elles pourraient sans souci être remixées dans une version « techno deep house ». Plus qu’une évocation de Jérusalem, de ses mythes, de ses religions monothéistes, l’ensemble Discantus nous offre des mélodies très souples, sans rugosité aucune, caractéristique même du chant grégorien. Rappelons que le (bon ?) pape Grégoire 1er vécut à la fin du VIe siècle et qu’il unifia la liturgie chrétienne. Celle-ci subissait depuis ses origines des influences géographiques (on parle souvent de style romain, milanais, espagnol, gallican, etc.). Il fit donc rassembler les mélodies, les simplifia. Le chant choral était exécuté à Rome par un chœur spécial qui formait lui-même ses interprètes et prit donc le nom de Schola Cantorum. Au chant romain s’ajoutèrent au Moyen Age des chants liturgiques pour les nouvelles fêtes, des hymnes, des tropes et des séquences. Ces psalmodies furent tout d’abord textuelles, le rythme étant au service du verbe (excepté quelques vocalises dans l’Alleluia).
On remercie Brigitte Lesne d’avoir formé un groupe féminin (rare) pour nous offrir une autre idée de cette musique. Ces huit interprètes la servent magnifiquement. Elles sont aidées par l’acoustique de l’abbaye de Sylvanès. Cette église de l’Aveyron est le lieu idéal pour ce genre de répertoire. Son architecture, le calme de la campagne environnante donnent une pesanteur teintée de clarté aux voix. Ce n’est pas par hasard qu’elle est devenue au fil des années un des hauts lieux de l’art sacré en France.
L’ensemble vocal Discantus n’oublie pas le travail que Marcel Pères et son ensemble Organum effectuent depuis des années. L’excellence des choix du répertoire, le raffinement de son exécution justifient le succès immédiat de cette anthologie. A l’aube de ce millénaire, on célèbre une ville, soit, mais on assiste surtout à une magistrale leçon de liberté poétique.