Une Boule Noire emplie au tiers (de deux tiers d’invités, je vous laisse le soin de faire le produit) a accueilli assez chaleureusement ce groupe anglais, pour un concert expédié en une heure. Quatre garçons austères et appliqués, aucunement affables (« Thanks », « Cheers… » « This next one’s called Voodoo Wop »), ont froidement exécuté une rigoureuse synthèse de garage rock sixties et de new wave. Avec les instruments (guitares vintage, clavecin électrique, orgue pourri) poussés à fond, à la limite du larsen. La performance fut efficace mais spartiate.
Les morceaux, propulsés par de rudes rythmiques binaires, n’ont quasiment jamais excédé les trois minutes. Ils se sont tous conclus à la hache, et le groupe entier sembla occupé à compter les mesures à cette fin. On n’entendit nul solo de guitare et pas l’ombre d’un roulement de batterie. Pour uniques ornements, de petites mélodies soufflées au Mélodica et les chœurs en falsetto réverbéré du bassiste. Pour seuls breaks, une mesure blanche aux temps inévitablement marqués par les baguettes du batteur. Le groupe fut pendant tout le concert absorbé par sa besogne, sans grand souci de représentation. Le guitariste lead, notamment, me fascina, avec son air de dégoût et l’extraordinaire impression de routine qu’il dégageait.
Clinic m’est donc apparu comme le dépositaire d’une certaine esthétique rock de « l’étriquement », rétive à toute forme d’exubérance. Le refus de tout ce qui est supposé humaniser la banale escroquerie du concert rock (échanges verbaux, spontanéisme des soli, fins de morceaux incontinents, affectation de l’enthousiasme) en fait de tardifs rejetons de l’hypostase ciselante du rock d’avant la techno. Les derniers et nostalgiques représentants de ces temps où les hommes s’efforçaient de jouer comme des machines. Avant que les machines ne s’efforcent de paraître jouées par des hommes.
Au fond, le plus amusant dans ce concert fut les trois rappels que le groupe fit à reculons. Avec des tronches d’enterrement, comme à l’usine. Pour quelques minutes supplémentaires de rock taylorisé.