En juin 1999, David Toop sort Exotica, ouvrage sur cette musique dont les stars seront pour toujours Les Baxter, Martin Denny, Arthur Lyman, Esquivel ou Yma Sumac… Dans Exotica, son postulat est simple : alors que la télévision est devenue notre seul point de contact avec l’extérieur, la musique a désormais pour rôle de transporter la géographie du monde dans nos living-rooms. Toop développe l’exemple de Les Baxter. Selon lui, sa musique « offrait des excursions pour touristes sédentaires pressés par le démon de midi, avides de cérémonies païennes entr’aperçues à travers des rideaux de bambous, avides de courir nus sous le soleil comme des démons, le tout sans quitter le confort de la stéréo à domicile, au sein d’une banlieue résidentielle blanche » ! De fait, Baxter a connu le succès avec des titres comme Clair de lune aux Caraïbes, Rituel des sauvages ou Ports du plaisir…
Mais c’est à propos de chanteuses comme Yma Sumac ou Josephine Baker que Toop est le plus pertinent : il montre comment elles ont réussi à introduire habilement dans le show-business (et les studios d’enregistrement) les notions de « sauvagerie » et de « primitivisme ». En ce sens, le livre de Toop est un guide intéressant sur une des musiques les plus bizarres et fascinantes du XXe siècle, qui plus est agrémenté d’interviews avec Burt Bacharach, Ornette Coleman, Bill Laswell, Haruomi Hosono (de Yellow Magic Orchestra) et Nusrat Fateh Ali Khan, qui lui permettent d’élargir sa réflexion à la notion d’exotisme en général.
Pourtant, Exotica n’est pas le meilleur livre sur le sujet : Elevator music (a surreal history of muzak, easy listening and other moodsong), paru aux éditions Picador USA en 1995, de Joseph Lanza, est beaucoup plus exhaustif, historique et précis. Partant d’un point de vue économique, Lanza, également auteur de The Cocktail : The Influence of spirits on the american psyche (St. Martin’s), raconte comment la Muzak (appelée musique d’ascenseur par abus de langage -inventée en fait par la société Muzak Inc.) a été créée, au même titre que l’exotica, pour combler les nouveaux désirs des américains d’après-guerre. Il décortique avec une précision scientifique l’histoire de cette « musique d’environnement » créée par des industriels, approche toute différente mais non moins passionnante que celle de Toop dans Ocean of sound… (sans compter que Elevator music est plébiscité par Les Baxter lui-même !).
Aujourd’hui, qu’est-ce que l’exotica ? David Toop, faisant le lien avec le rap, apporte un début de réponse dans notre interview … Et pour les plus tordus, bien sûr, il reste le film Exotica d’Atom Egoyan (1994), qui raconte l’histoire d’un client d’un bar de strip-tease qui crée un monde imaginaire et érotique autour de sa danseuse préférée.