Après l’événement Xen Cuts de la rentrée, Ninja Tune semble s’être imposé à un plus large public comme un des meilleurs labels electro du moment. L’intelligence des choix du label, la relative modernité des sons présentés, l’identité graphique récurrente ont fait du label de Coldcut un objet culturel des plus en vogue. Niveau élégance et identité musicale, on n’avait guère fait mieux, sauf peut-être Tzadik, DSA (Les Disques du Soleil et de l’Acier) ou Sub Rosa (aka Quatermass). Flanger, avec ses membres éminents, ne risque pas de dépareiller ce beau tout cohérent avec son exceptionnelle qualité de composition et de production.
En guise d’opening, quelques craquements vinyliques. La machine musicale, elle, reste pour l’instant en retrait. Sans heurts, discrètement, les instruments démarrent. Au loin une rythmique drum’n’bass, devant un xylophone très Milt Jackson, le tout enrobé par une ligne de basse assez exceptionnelle, germanique en diable. Les musiciens ne sont pas des inconnus. Atomheart nous fait revisiter de manière décalée des morceaux de Kraftwerk à coup de salsa do Brazil sous le nom de Senor Coconut. Associé à Burnt Friedman sur le projet Flanger, c’est le jazz estampillé années 70 qui passe à la moulinette. Leur source, pas prête d’être tarie, lorgne du côté du Miles Davis des années noires (Get up with it, Pangea), des premiers Zawinul et Weather Report et du Chick Corea des débuts. Pas de longueurs ni de détours, mais une musique intelligente que d’aucuns nommeront hâtivement « nu-jazz », faute de mieux. Flanger est en tout cas beaucoup plus à rapprocher des œuvres de Christian Zimmerman (cf. New sound of jazz vol.6 chez Compost Records) que de la soupe mâtinée electro-jazz ou soul signée Ludovic Navarre, Erik Truffaz, et autres fossoyeurs d’un passé musical presque trop riche.
La déconstruction se fait ici à la cool, aux antipodes d’un Otomo Yoshihide ou d’un John Zorn, dans leurs projets respectifs Ground Zero plays Standards et The Big Gundown. Mélodique à souhait, leur son électronique évite le piège facile du passéisme et redonne vie à des structures ternaires binarisantes, ou vice-versa, selon l’angle d’écoute. Parfait pour ramener chez vous votre voisin(e) de palier accroché(e) à Nova toute la journée.