Plus puissant que la Loterie nationale et le PMU réunis, le nouvel Eldorado boursier n’en finit pas d’attirer les foules techno-prolétaires à l’affût des richesses du grand Capital. La promesse de devenir multimillionnaire, via un ou deux clics de souris, charrie son lot de néophytes avides de gains rapides mais peu habitués aux us et coutumes du milieu boursier. Entre monts et merveilles, et luxe, calme et volupté, le rêve est là. Seul, Wall Street Trader 2001 est à même de faire redescendre la majorité des gogos sur le plancher des vaches et rappelle ironiquement que boursicoter est tout ce qu’il y a de plus sérieux.
Première douche froide, le lourd lexique papier nous apprend non seulement que le gain de quelques centaines de milliers de francs requiert une masse de travail peu commune mais plus encore qu’hurler « je vends » et « j’achète » à tue-tête ne suffit même pas à toucher le quart du Smic. Qui plus est, la compréhension des flux monétaires exige à elle seule de nombreuses connaissances techniques, bien plus importantes que le tiercé du week-end. Sans demander au joueur de tourner la suite de Pi, Wall Street Trader exige une grande concentration.
La mort d’un magnat de la bourse, dans un banal accident, sert de prétexte à votre recrutement. L’objectif est clair : maintenir à flot un empire financier, véritable colosse aux pieds d’argile. La progression du jeu se découpe en plusieurs étapes précises, les différents marchés financiers ayant de surcroît leurs propres caractéristiques. Chaque campagne s’introduit d’une contextualisation intelligente en fonction des connexions politiques, économiques ou culturelles que recoupe le domaine. Investir dans les produits de luxe s’inscrit dans la lutte acharnée entre l’Europe et les Etats-Unis pour l’exception culturelle, tandis que la bataille sans merci entre les deux géants Macintosh et Microsoft opère sur les modèles économiques.
Lancé dans l’arène, le joueur n’a que très peu de temps pour s’adapter au monde féroce de la finance. En l’espace de quelques minutes, il doit recruter une équipe efficace tant dans la durée que dans l’intensité. Non seulement brokers et analystes mais aussi avocats et espions sont les partenaires d’une réussite potentielle qu’il convient de définir. La multitude d’éléments à prendre en compte est jubilatoire, et les giclées d’adrénaline quasi immédiates et constantes : faut-il opter pour une politique agressive et intense ou soutenue ? L’employé vital à la survie de l’entreprise va-t-il craquer sous l’effet du stress ? Doit-on offrir un bonbon ou un cookie afin d’augmenter le rendement de son analyste ?
Le plus dur reste cependant à faire. Wall Street Trader accouple rapidement dans une sarabande endiablée rythme cardiaque et danse des flux monétaires. Le souvenir du niveau 25 de Tétris 3D est bien loin, et la masse d’informations à prendre en compte frise la saturation. Le traitement en temps réel des dépêches, des conseils avisés de vos spécialistes en communication et les rumeurs louches auront raison des plus tenaces. Au final, riche ou non, le trader junior aura au moins appris à ne pas tomber dans tous les pièges qu’on lui tend sans cesse. Puisqu’on cherche à le plumer comme un vulgaire poulet.