Au Passage du Retz, 150 artistes exposent sur le thème Narcisse blessé – Autoportraits contemporains 1970-2000. Jean-Michel Ribettes, qui en a assuré le commissariat, a relevé le défi sans trop de complaisance en délimitant les huit espaces de réflexion suivants : « Le Reflet dans l’abîme », « Masques & mascarades », « Volte-face & dérobades », « Le Nu & le Cru », « Les Blasons anatomiques », « Ombres & vanités », « Dépouilles & attributs » et « Le Corps introuvable ou le Miroir sans reflet ». De quoi rappeler Echo à sa tâche et Narcisse à son reflet… En effet, si l’autoportrait traverse toute l’histoire de l’art, jamais le thème de la déception et de l’absence n’a été tant récurrent que dans les œuvres contemporaines. C’est l’expression d’une dissemblance à soi-même que l’on retrouve, jusqu’à la représentation de la souffrance de l’artiste de ne pas être le même, image modelée dans l’ambiguïté d’une fiction ou dans la mise en scène d’un réel mensonger.
Entre toutes les œuvres d’artistes divers (Fabrice Hybert, Cindy Sherman, Dieter Appelt) et variés (J.-M. Basquiat, Vladimir Velickovic, Nan Goldin), se distingue une installation, celle de Tomoko Sawada. Extraordinaire jeu sur l’identité, elle décline presque à l’infini les autoportraits en photomaton. Avec cet humour pince-sans-rire, l’artiste se représente travestie autant de fois que l’espace le lui permet. Et, devant l’écran cathodique balayé par les images de I am not the girl who misses much, on est comme hypnotisé par la performance de l’artiste suisse Pipilotti Rist.
Ces deux travaux remarquables donnent la pleine mesure des œuvres exposées ; elles montrent l’éclatement, à l’aube du xxie siècle et à l’ère du clonage, de ce qu’on appelle la personnalité et l’apparition de la possibilité d’un autre soi virtuel. Ce n’est plus le miroir qui renvoie à l’artiste sa propre image, mais ce sont les mass media, la technologie et les modes de vie urbains qui reconstruisent la représentation d’un soi-même dans différents vocabulaires culturels. L’exposition met en avant cette question : quel est ce soi dans la création contemporaine ?