Depuis quelques années, la musique dite « expérimentale » tend de plus en plus vers l’agression physique. De ce fait, assister à une performance comme celle ayant été donnée par Toeplitz et Karkowski relève plus de l’exploit sportif que de la simple distraction. En effet, cette prestation baptisée (à juste titre) Le Dépeupleur a fait fuir plusieurs spectateurs -non initiés ou encore trop sensibles- ne pouvant supporter cette série de violents coups bas donnés par les deux compositeurs. Mais contrairement aux Merzbow et autres Bruce Gilbert, s’acharnant à pousser sauvagement machines et instruments afin d’en sortir le résultat le plus apocalyptique qui soit, la procédure utilisée par ces deux pervers du son fut tout ce qu’il y a de plus vicieuse et réfléchie. Voici donc le bref compte rendu d’un concert pouvant tout à fait s’apparenter à une séance de tortures !
Dans le but de vraiment pousser le spectateur à bout, Toeplitz et Karkowski ont tout d’abord commencé par le bercer, le charmer avec toute une série de lancinantes vibrations et d’infra-basses envoûtantes. Au bout d’une dizaine de minutes, alors que chacun, dans ce calme total, était hypnotisé par les bas grondements répétitifs et avait alors la nette impression de se retrouver à nouveau dans le ventre de maman, ces deux barbares nous ont subitement balancés les hautes fréquences les plus agressives et violentes qui soient. Dans ce genre de situation extrême, l’effet est immédiat : la plupart d’entre nous ont sursauté, d’autres ont cherché à s’asseoir, deux ou trois se sont dirigés vers les toilettes afin d’y prendre du papier et se confectionner boules quiès artisanales, mais surtout, un bon tiers des personnes -effrayées- se sont subitement dirigées vers la sortie.
Après nous avoir bien fait souffrir (ces montées dans les hautes fréquences étaient vraiment difficiles à supporter), Toeplitz et Karkowski sont finalement revenus aux rassurantes infra-basses pour faire durer ce petit jeu d’allers et retours entre graves et aigus plus d’une heure ! Planqués derrière leurs machines génératrices de sinus, les deux musiciens quasi statiques n’ont en aucun cas laissé paraître une seule expression trahissant le plaisir sadique qu’ils devaient sans aucun doute éprouver. Ils se contentaient juste d’actionner sobrement leurs machines afin de nous transpercer toujours plus profond. Au bout du compte, les effets produits chez l’auditeur sont assez déroutants : cerveau endolori, perte de l’équilibre, somnolence ! Le plaisir total pour chacun des amateurs masochistes de musique bruyante ayant eu la force de rester jusqu’à la fin de cette épreuve.