Cinq garçons et une fille roulent vers la mer avec la nécessité vitale d’y parvenir. A ce détail près que l’un d’entre eux, Romain (interprété par le réalisateur), est mort. Et c’est pour lui que c’est vital. Romain malade et se sachant perdu a enregistré sur une cassette vidéo son désir le plus cher : être brûlé sur une plage italienne, lieu mémoire d’une histoire d’amour. Ses amis visionnent la bande le soir de la triste nouvelle, et sous l’insistance de Jean, l’ami de toujours, ils décident d’exaucer son souhait.
Mille bornes commence dans le registre de la comédie avec la séquence du rapt du corps à la morgue, par la bande de copains, « Pieds nickelés » de cette première partie. Arrive Nina, qui désire voir une dernière fois le visage de son frère. Trop tard ! Ils l’embarqueront de force sur la banquette arrière, et le corps de l’ami dans le coffre de la voiture. Le long et risqué voyage commence et dans cette première partie, l’humour léger l’emporte.
C’est avec l’arrivée d’autres personnages comme celui du père de Romain (superbement interprété par Roberto Herlitzka), et d’une ravissante japonaise dépressive qui semble venir tout droit de Domicile conjugale, que ces Mille bornes prennent la couleur du deuil. Le cinéaste décide alors de montrer le difficile et douloureux parcours intime de la mémoire déjà au travail. Puis le noir qui va si bien à la culture Judéo-Chrétienne se mélange lentement aux coups de soleil, à la vie et ses surprises qui jalonnent la route hexagonale de ce Voyage en Italie de ces Italiens de mauvaises humeur.
Alain Beigel aborde, avec ce premier long métrage, un thème délicat : la gestion par ceux qui restent de la disparition d’un être cher, comme François Truffaut l’avait fait avec sa sublime Chambre verte, ou plus récemment Patrice Chéreau (Ceux qui m’aiment prendront le train), mais tous deux dans un registre plus dramatique. Ici, on mêlent le chahut à l’intensité. Au bout de cette longue route, des gamins ont mûris et sur le sable d’une plage italienne, ils regardent un feu purificateur emporter dans un ailleurs le corps de celui qui a jamais restera dans la mémoire, et poursuivra avec eux le dialogue.
Film courageux aux allures de comédie qui ne sont que le maquillage qui peu à peu dévoile le personnage centrale de ces 1 000 kilomètres, cette auto-stoppeuse qu’un jour nous prenons tous à bord de notre voiture pleine de vie et de fureur : la mort.