« Après une enfance dont il ne se souvient pas, une adolescence pas vraiment inoubliable, Olivier Adam prend le RER et quitte sa banlieue natale pour s’installer à Paris où il tente de vivre. » Il a vingt-cinq ans et Je vais bien, ne t’en fais pas est son premier roman. On n’en saura pas plus. Le Dilettante et, peut-être, l’auteur lui-même ont choisi ces mots de présentation et pas un de plus. En revanche, le récit que l’on a entre les mains renferme des informations précises et précieuses sur ce jeune talent. Si l’on se fie à sa démarche littéraire, son univers et le rapport qu’il entretient avec ses personnages, Olivier Adam est simple et sans prétention. Il cherche tout simplement à faire vivre ses personnages et à leur donner une âme. Cette démarche n’a rien d’exceptionnel chez un romancier, sauf que désormais, la tendance éditoriale se concentre davantage sur le sujet à sensation, le style prétendument cru et les histoires creuses. Un premier roman n’est évidemment pas chose aisée à écrire, mais Olivier Adam a su éviter de jouer les blasés. Pas de pose, pas de forfanterie, pas de considérations égotistes qui ont très vite fait de nous ennuyer. C’est déjà très bien. De plus, le style est simple, l’imagination dense et canalisée, le jugement vrai et le verbe précis.
Claire, son héroïne, est caissière chez Shopi, dans le quartier de Pigalle, à Paris. Ses parents vivent en banlieue. Elle entretient avec eux un rapport à la fois pudique et tendre. Elle essaie de les voir très régulièrement, surtout depuis que son frère ne donne plus signe de vie… Elle sait qu’un jour elle le retrouvera. Elle ignore où et quand. Il faudra bien qu’il réapparaisse. En attendant, elle vit au rythme des tapis roulants et des bips infrarouges marquant l’enregistrement des articles achetés par les clients. Claire n’est pas idiote. Elle sait qu’elle peut rester transparente pour une majorité de gens, indéfiniment si elle ne saisit pas sa chance lorsqu’elle se présentera. Mais ce mélange de passé et de présent la paralyse encore, lui joue des tours. Là réside toute sa difficulté d’exister.
Olivier Adam nous plonge dans l’intimité d’une lente métamorphose, d’un envol. Avec intelligence et tact, il promène Claire dans ce milieu (à peu de chose près) que Mazarine Pingeot aurait voulu critiquer dans son propre premier roman, fustiger, mais qui manifestement l’attire et la fascine. Chez Olivier Adam, les étudiants de la rive gauche de la capitale et les photographes de la rive droite se rencontrent, se confrontent et finissent logiquement par se rejoindre dans une réelle cérémonie de fatuité. Mais il fallait un caractère doté d’un vrai relief, comme celui de Claire, pour créer cette nécessaire distanciation entre l’auteur et ses personnages… Claire assiste à une joute. Celle qui se répète inlassablement dans les milieux artistico-branchés, celle aussi, plus sérieuse, de ses parents aux prises avec leurs sentiments. Attentive, parfois décontenancée, elle tente de décrypter le monde qui l’entoure et de s’inventer un avenir. Elle cherche à apprivoiser une solitude qui progressivement va s’imposer à elle.