C’est le propre des jeunes gens trop sévèrement éduqués : ils ont des envies de meurtre. Sur l’un des membres de leur famille, c’est déjà drôle. Mais sur une mère, c’est encore mieux. Le lecteur peut s’en faire le complice, approuver cette démarche. Après tout, les sentiments vrais sont discrets. Il en est ainsi des cœurs nobles prêts à tout sacrifier pour leur chasse au bonheur. C’est là l’un des principaux intérêts de cette Education classique. Car rien ni personne ne pouvait soupçonner qu’Edward se laisse aller à ce penchant meurtrier. Rien, si ce n’est que le récit qui défile sous nos yeux -écarquillés pour le coup- le prouve assez bien : une âme bien née dans une époque bien tiède peut faire preuve de facétie. On peut donc s’attacher à lui, tout comme à son « complice », le narrateur. Ce dernier construit des phrases nettes, précises, avec juste ce qu’il faut de tranchant. Ce détail à son importance dans la mesure où l’assassin utilisera cette arme un tantinet féodale -la hache- pour mettre à exécution son plan.
C’est une chance de tomber sur un livre de ce calibre (rappelons que les éditions Phébus, ayant d’assez bonnes prédispositions pour remettre en circulation d’excellents ouvrages, avaient réédité il y a quelques mois les Crimes exemplaires de Max Aub, une décision préméditée qui avait déjà eu, à l’époque, le don de nous régaler). Il enchantera tout lecteur désireux de s’amuser fermement. Nul doute que la littérature vue comme le lieu d’un combat vital ne restera jamais lettre morte. Quant à ce personnage bousculant les conventions d’une Angleterre assise sur ses positions (frelatées), il continuera longtemps à agiter notre esprit. Rendons-lui cette grâce, celle d’avoir opposé aux décrets en vigueur ses humeurs. Le plaisir retiré n’en est pas mince. Richard Cobb le lui disait, tout juste descendu du train le menant à la gare Saint-Lazare, une fois libéré de prison : « S’il avait reçu une éducation correcte, cela lui aurait évité un tas d’ennuis ! ». Il est toujours touchant de voir des trublions de la bonne société manifester du caractère (sanguin) : ils sont si fiers de leur coup(s)…