Génie de la comédie absurde à la française, genre il est vrai peu fréquenté par nos cinéastes maison, Luc Moullet est de retour. Réalisateur fou, acteur burlesque (on l’a vu chez Antoine Desrosières et Laurence Ferreira-Barbosa), ancien critique aux Cahiers du Cinéma, Moullet sème de temps à autre un film atypique, irréductible, et qui, étrangement, a presque toujours l’élégance de passer inaperçu. Et pourtant, après avoir déguisé Jean-Pierre Léaud en cowboy du Midi-Pyrénées (Une Aventure de Billy le Kid, 1971) et ausculté, en pleine libération sexuelle, l’intimité d’un couple (Anatomie d’un rapport, 1975), Luc Moullet avait tout pour être vénéré par une horde de cinéphiles curieux. Culte, le loustic l’est à sa façon, mais avec une discrétion telle qu’elle confine au dédain. Alors, Moullet serait-il l’un des derniers résistants de l’underground hexagonal ? Son nouvel opus, Les Naufragés de la D17, risque de le confirmer.
Petit délire fantasque tourné dans les montagnes du Sud de la France, l’objet n’est pas des plus jubilatoires. Souvent lourd, parfois franchement raté, le film est une succession de gags façon terroir dont l’efficacité s’avère pour le moins hasardeuse. Un pilote supra macho (Patrick Bouchitey) qui martyrise sa coéquipière, un couple d’astrophysiciens en crise (Mathieu Amalric / Sabine Haudepin), un berger bedonnant considéré comme le sex-symbol du village : voilà le genre de personnages que Moullet aime faire se percuter, à travers une série de situations plus improbables les unes que les autres. Adepte des temps morts et d’un humour pince-sans-rire limite déflationniste, l’auteur parvient à produire une certaine alchimie décalée qui, à défaut de provoquer un enthousiasme hilare, ne manque pas d’intriguer. Dialogues et musiques extra-terrestres, jeu halluciné des comédiens, décors naturels à l’aridité mystérieuse : Les Naufragés de la D17 est un film profondément inclassable, vertu qui, en ces temps de conformisme déprimant, vaut toutes les réussites.