Depuis que l’homme est essentiellement vu (conservons l’espoir chez quelques contemporains) comme un rapport de production, que la culture d’entreprise bat son plein, et que les prétendues informations vulgarisent vulgairement ce qui est déjà vulgarisé, la notion même d’individu, pour peu que ce dernier existe encore, tend à se dissoudre. Le parti de la vertu s’est ainsi effacé rapidement au profit du sens du commerce. Quelques décennies ont suffi.
C’est ce monde en état de décomposition avancée que nous décrit François Rosset dans cette satire cauchemardesque où le spectacle représenté n’est plus qu’un théâtre d’ombres. La scène a pour cadre une entreprise (en fait L’Entreprise telle qu’elle se profile). Là-dedans, c’est nous ! On y joue une comédie fort célèbre, celle des rapports sociaux. On s’y plaît, parfois on s’y complaît. Quant au subalterne, pour reprendre le titre du premier ouvrage de François Rosset, il n’a qu’à bien se tenir. S’il a un projet, grand bien lui fasse. Car « avoir un projet, c’est déjà faire quelque chose » comme le dit, non sans humour, cet auteur entré en dissidence.
Négociation évoque ce processus dans lequel nous sommes engagés, cette voie de deshumanisation qui conditionne nos comportements ; et la résignation qui l’accompagne. Comme si seul le boycott pouvait encore nous permettre d’organiser notre liberté.