Il en va des passions amoureuses comme de certaines rencontres. Elles peuvent s’avérer fatales. Ce sera le cas de la relation qui se noue entre Laetitia et Eric. A cet égard, celui-ci, narrateur de sa propre histoire, fait preuve d’une déchirante sincérité et d’une parfaite lucidité. Le seul regard de Laetitia le convainc qu’il aura « désormais beaucoup à souffrir ».
L’affaire est entendue. Reste maintenant à en rendre compte. Autrement dit, répondre à la question éternelle : comment « décrire ce qui se passe entre un homme et une femme, arriver à une vérité » ? L’exercice n’a rien d’évident. Dominique Noguez le sait. Il n’en est pas à son premier coup d’essai. De son aveu même, il avait déjà évoqué, en 1991, dans Les Derniers jours du monde*, les tribulations amoureuses d’Eric et de Laetitia. Nombre de pages d’Amour noir en sont d’ailleurs directement tirées. Mais noyé alors dans une histoire aux allures d’Apocalypse de près de 600 pages, le récit de cette passion douloureuse perdait en intensité et en cruauté. Deux dimensions présentes dans Amour noir. Elles confèrent à ce roman une grâce que souligne encore une narration à la première personne. Le « je » d’Eric ayant l’ambivalence de celui d’un Roland Barthes dans les Fragments d’un discours amoureux. Entre confession intime et méditation philosophique. Sous couvert d’une naïveté à peine feinte, le propos de Dominique Noguez se révèle dès lors subtil et pervers.
Fabien Spillmann