Issu de la fondation Farabi, chargée du « développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes », Ebrahim Foruzesh œuvre depuis trente ans, en tant que producteur et scénariste, au sein de cette institution devenue fameuse depuis qu’Abbas Kiarostami s’est révélé au public européen. C’est par ailleurs le réalisateur du Goût de la cerise qui parraina ses débuts dans la fiction en lui fournissant l’argument et en assurant le montage de son premier long métrage La Clé (1987), auquel succéda cinq ans plus tard La Jarre.
Le Petit Homme s’inscrit dans la lignée de ces deux films, sans toutefois perpétuer les inclinations hitchcockiennes qui étaient décelables dans leur trame et leur traitement sur le mode du thriller pédagogique. L’on y retrouve, en tout cas, les caractéristiques des principaux films produits par la fondation Farabi, un discours à portée éducative, centré sur l’enfance, dont la morale se doit d’être limpide et en adéquation avec la politique gouvernementale -ce qui n’exclut nullement, on le sait depuis Abbas Kiarostami, l’ambiguïté et un questionnement sous-jacent des préceptes célébrés. Ebrahim Foruzesh, lui, semble moins intéressé par la mise en abyme et par l’exercice intellectuel que son illustre compatriote et leur confrère Mohsen Makhmalbaf. Sa vision de l’enfance ne passe pas non plus par une sursymbolisation à prétention poétique comme les maladroits Un temps pour l’ivresse des chevaux et Le Tableau noir qui, tous deux, se retrouvèrent cette année au palmarès du Festival de Cannes. Sur le refrain connu en terre iranienne de « dur, dur d’être un gamin », il assume le didactisme de son propos pour dépeindre avec simplicité le parcours de son héros Mohammad Ali, un écolier décidant pour subvenir aux besoins de sa famille et contre l’avis de sa mère de cultiver un lopin de terre, tout en poursuivant avec quelque difficulté sa scolarité.
Opposition du travail agricole et de la nécessité éducative dans un contexte de précarité économique. L’incompréhension du monde adulte cède bientôt la place à la reconnaissance de l’initiative individuelle et de l’effort. Le dur labeur de Mohammad Ali dans la solitude des champs de cucurbitacées s’avère payant. Résolution naïve si l’on veut, mais en adéquation avec le regard chaleureux du réalisateur sur son personnage et sur l’univers rural qui est le sien. La sensibilité d’Ebrahim Foruzesh s’exprime dans la délicatesse des rapports familiaux aussi bien que dans sa façon de filmer la nature (tour à tour stérile et féconde, sereine et colérique), ce qui lui permet de contrer les écueils du schématisme et de l’apitoiement lacrymal. C’est grâce à ses qualités que sa fable constitue plus qu’un programme de matinée pour spectateurs en culottes courtes : un film humble et humain où le cynisme n’a pas sa place.