Hans Magnus Enzensberger nous avait habitué à une liberté de ton et à un goût pour la satire qui firent merveille dans Politique et Crime ou Médiocrité et Folie. Il n’a pas abandonné cette veine, mais il est, en partie, regrettable de le voir tomber sous le coup de la chronique -exercice ayant des dimensions réduites et relatant des événements présents, sans prétendre à une analyse fouillée. Quelques thèmes auraient de ce fait mérité un développement plus conséquent. Feuilletage étant un recueil de critiques données à des périodiques d’outre-Rhin. Ajoutons à cela qu’il n’est pas aidé par la quatrième de couverture, réduite au minimum syndical. Au moins ne comporte-t-elle aucune faute…
Mais revenons à notre sujet. Car cet essayiste allemand à l’esprit somme toute assez anti-allemand sait toujours frapper fort. Parlant de l’Etat : « De ce qui jadis faisait toute sa fierté, la souveraineté, on sait qu’il ne reste pas grand-chose, et les plus malins de ses représentants savent bien pourquoi ils évitent de se gargariser de ce mot ». Son discours est toujours d’une extrême intelligence. Il allie la lucidité à l’élégance du regard. Face à lui, c’est-à-dire dans sa lunette de tireur d’élite : les politiques séniles des ministères de la culture (Allemagne, France, etc.), qui masquent leurs fautes sous une vanité obstinée, les modes, nos sociétés faites de luxe et de divertissements massifs. Tout ce qui pourri, pour dire les choses précisément. Car ces gens-là doivent trop penser. Une même soif les dévore : le pouvoir. Le ton souverain de ce livre suffit à le prouver : l’écrit peut les confondre. Au-delà, tout est permis. Reste à franchir le pas.
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