(José Corti, 95 F, 217 p.)
Le dernier né de Georges Picard ne peut se lire sans une mise en garde préalable. Ce roman appartient incontestablement au domaine de la franche rigolade. Rigolade baroque s’il en est. Son tour de force réside dans cette boucle délirante : au-delà du rire, il y a le rire. Chercher un prétendu message de vérité, dissimulé dans les soubresauts d’un homme qui se meurt de rire, reviendrait à faire du sous-réalisme dans une œuvre où tout est surréel. Tout ? Vraiment tout ?
Et c’est précisément là que Georges Picard étonne le plus. Jamais roman n’aura été plus classique. Il y a intrigue. Il y a dénouement. Pour les yeux de Julie est écrit dans une grande transparence de forme. La formule est universelle. Choiseul veut se faire aimer de Julie. Comment s’y prendra-t-il ? Holy Fork (Sainte Fourchette) et l’ange Saraqel feront-ils échouer ses plans ? Qui se cache derrière le terrible et implacable juge Gus de la Villardière ? Nous le saurons évidemment en lisant cet impossible roman. Si la formule est bateau, l’auteur l’utilise comme véhicule d’une fantaisie désopilante.
Il s’amuse et place la barre un peu plus haut : qui osera aujourd’hui faire preuve d’une plus grande liberté ? Pour les yeux de Julie est un livre pour rire ou pour rien. N’est-ce pas le plus beau titre que l’on pouvait lui décerner ?