Le titre était prometteur ; l’ambition de ce qui fut un texte rédigé puis lu en mars dernier à l’école des Beaux Arts de Nantes légitime -en définitive, comment sortir de ce siècle effroyable, destructeur. Aujourd’hui repris en volume, ces quelque cinquante pages mâtinées de nostalgie et d’un peu de rage oscillent entre la lucidité du constat (et Jacques Henric n’est bien sûr pas le seul ni le premier à le dresser) et une manière très personnelle de convoquer celles et ceux qui ont occupé le terrain des Arts durant le XXe siècle. Ce n’est pas tant la véracité, et par-delà les judicieux recoupements proposés (citations par ci par là pour dire que la dimension tragique de ce temps-là fut la guerre, et essentiellement cela), des informations divulguées qui font bondir que la mise en scène qui en est faite par son auteur. Et plus particulièrement le rejet de tout ce qui ne correspond pas à son ordre de pensée -cette énième et vaine attaque contre Michel Houellebecq semble traduire un vice de lecture, voire quelque chose qui ressemble à de la mauvaise foi (Les Particules élémentaires est un roman, et juste cela, rappelons-le).
Ce que l’auteur, drapé dans sa toge virile, ramène à lui (par le biais de la lecture de nombreuses œuvres) lors de son intervention tient en plusieurs points : replacer l’Eros au centre de la vie, se donner de nouveau les moyens de résister, continuer le chahut, etc. Soit toutes choses permettant d’abattre les valeurs dominantes. Rien à redire. Mais alors, pourquoi tant d’indulgence, par exemple, pour les pseudo avant-gardes, quelle idée de remercier ses compagnons de route (Denis Roche, Pierre Guyotat et Philippe Sollers, déjà auto-canonisés) et de nous annoncer que le combat continue avec eux pour une improbable nouvelle révolution, de celles que Walter Benjamin appelait « interruption de la mauvaise continuité de l’histoire ». Retenons les passages qui méritent de l’être, et pour le reste, prenons, comme son auteur à la fin de son livre (cette idée nous semble juste pour le coup) le parti -définitif- d’en rire.