Depuis le sketch de Pierre Desproges fustigeant le critique de cinéma qui se moque des films dont « la seule ambition est de faire rire », on craint de basculer dans la pose du penseur coupé du peuple chaque fois qu’on agonit le rire gras des mauvaises comédies. Avec Recto / verso, on a peu de remords. D’abord parce que le film de Jean-Marc Longval n’est que la énième version d’un modèle usé de burlesque « à la française » qui ne fait plus rire depuis longtemps. Ensuite parce que, loin de lui dénier toute ambition, on a envie de dire à quel point Recto / verso est exemplaire. Espèce rare de mauvais goût. Très bête et salement méchant.
Le titre du film, vu son sujet -les déboires d’un animateur-vedette qui se fait passer pour gay afin de trouver un job-, indique assez la hauteur du projet. Comparé à ce qu’on entend et voit dans le film, le « Bar des amis » devient presque un haut lieu philosophique. Seul l’air vicié des fins de banquets trop arrosés rappelle peut-être le malaise ressenti devant ce bout à bout de clichés paresseux, de mauvaises blagues recyclées, cette succession de petites bassesses ordinaires. Car ce qui marque, au-delà du néant formel, c’est la violence sourde du fond. Le film se paie ainsi le luxe d’être légèrement homophobe. Outre la caricature débilitante du milieu gay, qui est presque devenue une figure obligée du burlesque franchouillard branché, il faut signaler la fonction narrative de l’homosexualité dans le film : celle-ci est désignée tantôt comme une identité sexuée usurpée (contre sa volonté, Fred, l’animateur doit feindre d’être gay, tandis que son cousin doit se déguiser pour avoir l’allure de son boyfriend), tantôt comme une identité sexuelle agressive (le patron de la chaîne gay qui courtise Fred empêche la formation d’un couple hétérosexuel qui célèbre son mariage dans le dernier plan du film). Outre l’homophobie, le film se distingue par son racisme anti-gros, son mépris des provinciaux, son apologie de l’arrivisme, etc. Triste spectacle.