De jour comme de nuit, l’énigmatique Salem revêt son manteau crépusculaire et étouffe les bruits qui pourraient s’échapper de ses ruelles tordues. L’hiver, cette ville perdue dans la campagne nord-américaine vit au ralenti. Les éventuels appels à l’aide sont vite contenus par la couche de neige régulée par Tom, l’idiot du patelin. Jo, Solomon et Anna sont envoyés par le Pentagone (?) pour enquêter sur quatre morts survenues dans la même nuit. Aux dires du shérif, rien de suspect, il s’agirait plutôt d’une série de malheureuses coïncidences… Mais aux yeux du trio fureteur, ça sent plutôt le règlement de compte. Chacun sa définition du hasard… Chez les habitants de Salem, la tendance serait plutôt à détourner les destins de leurs chemins originels. Solomon connaît les ficelles du métier, les tentatives d’intimidation échouent et leurs auteurs ne tenteront pas de le rouler dans la farine une seconde fois. Jo, lui, est impatient et complexé. Le doute comme les incertitudes le mettent mal à l’aise. En somme, il n’aime pas se sentir manipulé, baladé. Anna est entre les deux. Elle est pragmatique, elle calme le jeu. Un mystère à résoudre, trois enquêteurs qui ne lâcheront pas prise tant qu’ils n’auront pas accompli leur mission, une ville peu chaleureuse : les ingrédients du polar noir se mettent en place suffisamment vite pour ne pas diriger le lecteur sur de fausses pistes.
Pourquoi Dusk ? Pourquoi Salem ? Les mots ne tardent pas à prendre tout leur sens. Richard Marazano et Christian de Metter forment ici un excellent tandem. Le scénario du premier sert admirablement les dessins du second, et vice-versa. Le terme « Dusk », qui signifie « crépusculaire », convient parfaitement à l’esthétique et à l’ambiance de l’album. On nage en eau trouble du début à la fin, et l’on se demande ce qui se cache derrière ces morts subites, inexpliquées, qui n’ont laissé aucun indice. Routes enneigées à perte de vue, néons fluorescents indiquant un lieu de soûleries -et accessoirement d’amnésie-, chambre d’hôtel réduite à deux lits jumeaux avec lampe de chevet en guise de frontière entre les deux couches… Salem offre décidément peu de réjouissances. Les silhouettes sont assorties aux visages, l’angoisse et la paranoïa sont de rigueur. Christian de Metter dépeint très habilement l’hystérie, la malice, la ruse et la folie qui rongent cette population. Nul doute qu’Arthur Miller et ses sorcières ont servi de base à la trame imaginée par Richard Marazano. Très convaincant, ce premier volet annonce une série atypique et intrigante.