Après Feux, réédité en 1997, voici une nouvelle édition de Labyrinthes, un album que les fans de Mattotti avaient bien du mal à se procurer depuis quelques années. D’autant que cette réédition a permis une révision de tous les textes qui accompagnaient les dessins et qu’elle renferme une histoire inédite. Labyrinthes c’est un voyage dans l’Invisible. Une fois de plus, on constate que Mattotti est passé maître dans l’art de communiquer son étrangeté, au point de nous la rendre parfaitement familière. Il donne un langage à l’indicible, il parvient à trouver des formes aux réminiscences les plus intimes. Il offre des images aux rêves, aux sensations, aux mouvements. Il nous emmène au pays des songes et surtout de l’enfance. Il sait observer le monde et le traduire par des situations plus inventives les unes que les autres. Comment fait-il pour trouver ces d’équivalences ? C’est parce qu’il sait plaisanter, il sait parer ses personnages des petits travers que nous observons tous les jours en nous-mêmes ou chez les autres. Mais tout cela reste dans l’imaginaire. Pas de critique pour seulement critiquer. Mattotti s’amuse. Il apporte toute sa fantaisie, toute sa dérision aux choses qui nous entourent. Il fantasme sur la mode, sur le sentiment de puissance, sur l’immensité et le vertige. Il cherche comment représenter un homme qui rêve ou un autre qui fait un cauchemar. Comment les Dieux vivent leur transcendance, et se jouent parfois des hommes. Il cherche à retrouver le chemin que l’artiste parcourt et se demande s’il est lui-même conscient de créer, d’inventer…
L’impression de liberté, l’ampleur avec laquelle Mattotti aborde le dessin sont des qualités assez rares pour être soulignées. Il ne semble pas avoir la moindre appréhension du crayon, ce que l’on pourrait appeler « l’angoisse de la feuille blanche ». C’est comme si, muni de son pinceau, les images défilaient et se reproduisaient simultanément sur la toile, sans un effort d’analyse ou une quelconque tentative esthétique forcée. Les personnages les plus insolites, les situations les plus étranges se révèlent à nous comme un rêve enfoui dans un coin de notre mémoire. Mattotti nous prend la main et nous guide dans cette galerie de portraits drôles et ludiques, comme des enfants qui se distribueraient les rôles avant de les jouer.