Les éditions Casterman ont été les premières à casser le format classique des albums de BD (les fameuses 44 planches) avec des œuvres aussi marquantes que Ici-même de Forest et Tardi, rompant par la même occasion avec l’usage traditionnel de la série. Et voilà que depuis quelques temps de nouvelles séries fleurissent à leur catalogue : Pratt est mort, Comès est rare et Tardi adapte. Il faut bien se renouveler. Mais est-ce bien nécessaire de formater les épisodes de ces séries en 44 planches ?
L’on peut très sincèrement se poser la question en lisant le premier volume du Cercle des sentinelles signé Desberg et Wurm. Voilà un récit au premier abord plutôt intriguant : un cercle type de poètes disparus au sein de la haute bourgeoisie anglaise de l’entre-deux guerres, les amours difficiles et la foi hésitante du narrateur, enfin la promesse de révélations concernant l’écriture des évangiles, on dirait presque du François Rivière. Mais nos attentes sont déçues- le cercle est évoqué dans à peine plus d’une planche, et si Andy ne se rend pas compte du charme qu’il dégage c’est qu’il n’en a pas plus le temps que le lecteur, quant au Pape il peut dormir sur ses deux oreilles : les évangiles vont rester ce qu’ils sont au moins jusqu’à la parution du deuxième épisode. En fait, tout ce que l’on apprend, tout ce qui se passe au cours de la lecture nous apparaît creux, inutile, ennuyeux et tout cela sans doute parce que inabouti. Peut-être est-ce aussi à cause du ton trop monocorde du narrateur.
Quoi qu’il en soit c’est un peu dommage de reposer cet album plein de regrets, de frustrations, car on a l’impression que les auteurs n’y sont pour pas grand chose. Bien que parfois raide (il a été l’élève d’Eddy Paape) le dessin de Wurm s’accorde assez justement aux convenances british. Et Desberg sait écrire, pour preuves ses précédentes créations : 421, Billy the cat ou bien sur La Vache.
La morale de l’histoire ? On pourrait s’interroger sur l’utilité des éditions intégrales que certains éditeurs nous proposent en période de fêtes. Maintenant, on pourra se demander si parfois il ne vaut pas mieux les attendre.
Pascal Salamito