Cela faisait bien longtemps qu’un réalisateur n’avait pas traité avec tant de sérieux un sujet de science-fiction. En effet, ne cherchez pas dans Gattaca de l’humour ni de la parodie : ils n’y en a pas. Comme l’indique la phrase d’introduction, tout se déroule « dans un futur pas si lointain » ; le film propose une réflexion sur la société contemporaine et en dénonce les codes par le biais de la fiction. Codes principalement esthétiques puisque la perfection génétique est le seul moyen d’infiltrer la société de Gattaca, centre de recherche des études spatiales. On appelle ainsi « valide » celui qui, par sa nature, est apte à travailler dans cette mégapole : l’élite en quelque sorte -proche du concept du surhomme cher à Nietzche- qui rend jaloux tous les humains nés naturellement, sans être passés à l’affinage génétique. Vincent, un « in-valide », va pourtant briser les codes de cette société parfaite pour accomplir son rêve : voyager dans l’espace. Ainsi, en dérobant l’identité de Jérôme, un valide qui, suite à un grave accident, se terre chez lui, le héros va devenir un autre, il va renier sa condition pour privilégier l’apparence requise. Il va, somme toute, se plier au jeu vicieux de cette esthétique qui tend l’humain à se défaire de lui même pour devenir un fantasme.
Par le biais de personnages élaborés à l’extrême, Andrew Niccol nous livre un propos effroyable et dénonce une société où l’homme ne vit plus que pour son apparence, quitte à renier sa condition. La relation entre Jérôme et Vincent est extrêmement intéressante car Gattaca force l’un à devenir l’autre, tout en soulignant que l’un des deux est de trop. Deux personnages pour une identité. Ainsi le vrai Jérôme est amené à devenir personne (son sort le confirme) puisqu’il est dépossédé de toute identité sociale. La mise en scène nous montre un univers glacé, privé de tout sentiment où l’individualisme est impossible et toute marginalité inacceptable. Il y a quelque chose d’effroyable dans le propos de Bienvenue à Gattaca, quelque chose de quasiment cruel et de fondamentalement pessimiste dans la thématique. La très belle musique de Michael Nyman (compositeur attitré de Peter Greenaway) bien que plus conventionnelle que d’habitude, ajoute au côté poétique du film et l’on devinera ici une maturité qui manque parfois cruellement au genre. Bienvenue à Gattaca est un film comme on en voit rarement. On y sent la patte constante de l’auteur et s’il est vrai que le film est parfois trop sentimentaliste et abuse peut-être du triste sort de ses héros pour dramatiser l’ensemble, il propose une vraie réflexion sur le monde. Un bon vrai film de SF, enfin !