Qu’est-ce qu’on fait quand le père de la mariée meurt d’une crise cardiaque la veille de la noce, que le père du marié a décidé de semer la zizanie dans sa belle famille en se tapant une des petites sœurs, que la mère de la mariée insiste pour que le mariage ait quand même lieu, et que quatre cents personnes vont débarquer le jour J ?
La famille Blanc-Manger ne manque pas de ressort et n’en loupe pas une. Trois pétasses se disputent la première place et improvisent une « dance party » à côté du cadavre. Le frère du défunt est un hurluberlu qui n’a pas digéré ses quarante ans de vie de missionnaire chez les papous et se gave d’images et de sons en pissant sur les plinthes du salon. La mère, maniaco-dépressive est scotchée sur l’événement du lendemain et a déjà oublié qu’elle est veuve. Le jardinier observe, dubitatif, les allées et venues de chacun et les petites intrigues qui se nouent chez les uns et les autres.
Sans parler du marié qui voudrait bien s’accorder une dernière partie de vie de célibataire avec la nouvelle copine de son père et fait en sorte de l’attirer dans un coin du jardin pour lui conter fleurette.
Martin Veyron voit juste et touche dans le mille. Ses dialogues sont toujours aussi hilarants et son sens des situations burlesques ne nous déçoit pas. L’éternelle demeure bourgeoise, que l’on imagine dans les environs de Bordeaux, la partie de « swiming » pendant que le personnel installe les tentes sur les pelouses, les livreurs qui apportent les rafraîchissements et les petits fours, le jardinier qui soigne la décoration florale sur laquelle tous les invités vont s’extasier : Tout y est. Il y a aussi le sempiternel dîner où chacun glisse une petite histoire salace pour montrer que « chez les Blanc-Manger on s’amuse bien », et le futur marié et son père, qui sont sans doute les plus authentiques, observent toute cette mise en scène avec un petit sourire en coin.
Cru bourgeois est un petit régal. Seul le dénouement aurait mérité quelques planches supplémentaires, mais l’ensemble ne manque pas de saveur.
Martin Veyron – Cru bourgeois
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