« La mort des miens aura été ma seule réalisation ». On ne pouvait imaginer histoire plus glauque. Pensez donc ! Un homme abat froidement sa femme et ses enfants avec une carabine avant de retourner l’arme contre lui… Là débute l’histoire. Car le geste ultime n’est pas au rendez-vous. Le bon père de famille qu’il était jusqu’à présent flanche et se laisse rejoindre par son passé, ses vieux démons. Avec un sens du flash-back inouï et une parfaite maîtrise de la tension (façon classique roman noir), Qwak, qui a écrit ce scénario hallucinant, fait revivre à Albert Laforgue sa lente descente en enfer. D’une enfance où les premiers troubles psychiques se manifestent à l’explosion finale, tout y passe : la déchéance sociale, la déliquescence sentimentale et les comportements schizophrènes qui l’amènent à la révolte contre toute forme d’ordre social. Et lui font dire : « Je suis le Rodin de la mauvaise mine, je sculpte mes organes à coups de gin… » Les dessins de Cazaux restituent très bien la terreur des actes commis (notamment par l’expression en gros plan des visages décharnés). Car dans ces pages où même « les nuages défilent en coup de fusil », nulle rédemption n’est à attendre, nul signe d’humanité (si ce n’est lorsqu’apparaissent l’épouse d’Albert et sa sœur) présent. Seul le désespoir a droit de citer. Comme quoi, le pire est toujours certain.
Cazaux / Qwak – Mémoires d’un incapable
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