Indigo Club, rue Florianska, Cracovie, Pologne, juin 2003. David Krakauer lance cette phrase au public venu applaudir les volutes déchaînées de sa clarinette et le son incisif de son Klezmer Madness : « Welcome to my city ». C’est parti pour quatre nuits d’une musique qui n’a jamais été autant à sa place qu’ici, dans la ville préférée d’un musicien dont la signature sur un label français (chez qui il a déjà publié deux disques, A New hot one et The Twelve tribes) a rapidement propagé la réputation sur le vieux continent. Les photographies de Guy Le Querrec reproduites dans le livret montrent, outre la cave bondée dans laquelle ont eu lieu les concerts, la ville et le musicien s’y promenant ; le texte de Pierre Walfisz l’évoque marchant dans le vieux quartier juif, Kazimierz, berceau d’une tradition musicale à laquelle il a su donner un sang tout neuf en préservant la mélancolie et la puissance spirituelle qui en font la force. Double intérêt, donc, que celui de ces concerts polonais : découvrir pour la première fois des versions live de ses morceaux récents, d’abord, et profiter du contexte tout à fait particulier de ces soirées à Cracovie, ensuite.
Les spectateurs qui ont pu assister aux nombreux concerts européens donnés par le groupe depuis quelques années savent les frissons que procure la clarinette du virtuose lorsque, dans des phrases interminables dont on se demande où il trouve la force de les souffler, elle monte si haut qu’on ne sait pas si elle s’arrêtera un jour, sans cesse relancée par le swing implacable de ses accompagnateurs. Pour perdre l’immédiateté visuelle et sensitive du direct, la sensation est toujours là dans ce Live in Krakow où, nostalgie et histoire personnelle oblige, Krakauer met plus volontiers l’accent sur les ballades tristes et majestueuses de son répertoire. Nicki Parrott (basse) et Michael Sarin (batterie) assurent un groove que soulignent, avec un résultat parfois surprenant (même si pas toujours convaincant, encore que jamais dérangeant), les platines de Socalled, 23 ans, déjà présent sur The Twelve tribes ; Sheryl Bailey insuffle le dynamisme torturé de sa guitare électrique au brouet que se charge de lier, avec un sens du rythme renversant, l’accordéoniste Will Holshouser. L’énergie et l’émotion du klezmer surboosté de Krakauer sont là, son charisme sans pareil fait le reste. Les aficionados n’y découvriront rien de neuf, sinon un excellent disque de plus ; les autres y trouveront une occasion de conversion garantie à l’art virtuose et débridé de Krakauer.
Voir en archives notre chronique du premier album de Krakauer pour Label Bleu, l’indispensable A New hot one