Troisième opus de l’Allemand Jo Zimmermann et le premier depuis sa fructueuse collaboration avec Felix « FX Randomiz » Hoefler dans Holosud (par ailleurs bijou electro-pop le plus sous-estimé de l’année passée), ce disque au titre à rallonge, comme toujours imprononçable (qui n’a cependant plus rien à voir avec les poissons, semble-t-il) voit l’Allemand abandonner un peu ses tares et obsessions klauschulzisantes au profit d’une musique plus ludique, plus rythmée, et nettement plus abordable. Cela dit, on reste en terrain connu, une terra incognita pointant à peine entre certains interstices. Dès les premières éruptions rythmiques de Konfliktfickähig, on est impressionné par la maîtrise que Jo semble posséder de son univers -familier et éminemment personnel, que l’Allemand s’amuse à re-explorer avec humour, en le maltraitant presque par endroits. L’auditeur est donc confronté à un charmant dilemme : s’offusquer de la facilité avec laquelle Zimmermann utilise ses sempiternelles recettes, et admirer avec quel talent il améliore et magnifie un peu plus à chaque fois le résultat, en modulant une infinité de petits détails insignifiants.
On remarquera tout de même que l’univers de Schlammpeitziger s’éloigne à chaque fois un peu plus de la kitscherie qui a fait sa réputation (synthés coin-coin et psychédélisme rétro-futuriste, et toute la paraphernale de l’electro pop allemande qui fait actuellement les beaux jours de Payola ou Hausmusik) pour se rapprocher d’un songwriting pop très personnel, aux composantes structurelles de plus en plus solides. On s’interrogera également sur le contenu obsessionnel des divers affects de la musique de Zimmermann, sur le pourquoi-pourquoi pas psychiatrique de l’édifice que ce dernier est en train de construire à sa propre gloire, loin de toute considération artistique. Difficile en effet de ne voir en cet humour pince-sans-rire très caractéristique et cette exploration sans limites de la même mélodie éternelle qu’un unique coup de hype décalée -on laissera aisément ça à Chicks on Speed. Il semble se cacher un immense réseau de tares obsessionnelles derrière les boîtes à rythmes et les mélodies de clavier des morceaux de ce disque qui finit par devenir franchement troublant, surtout comparé à ses prédécesseurs. La fausse naïveté des mélodies, des visuels, des affects culturels (nostalgiques, forcément…) s’imprègnent alors de lourdes ambiguïtés. Ce sont ces dernières qui font définitivement passer Schlammpeitziger du côté des artistes, loin des considérations évanescentes de la pop artificielle.