Avec Wargame, Tron (1982) est l’autre symbole du 7e art 80’s d’une génération. Celle des gamers trentenaires, à l’époque férus de salles d’arcade et possesseurs de consoles 8 bits post-Atari 2600 (Intellivision, Colecovision). Une oeuvre marquante car foncièrement avant-gardiste. Comment ne pas voir en Steven Lisberger un réalisateur visionnaire, une icône vidéoludique aussi essentielle que, disons, Nolan Bushnell (Monsieur Atari). Assurément culte, Tron. D’abord parce que si le décors cyber kitsch du film fige l’oeuvre de Lisberger à l’époque des balbutiements du jeu vidéo, le propos, lui, continue d’avoir une résonance toute particulière en 2003 (entrer / vivre dans le jeu, fantasme ultime du gamer, déjà acté en théorie). Seul Avalon d’Oshii peut se targuer d’avoir su s’adresser aussi parfaitement, et presque exclusivement, à un public de gamers. 20 ans plus tard tout de même. Ensuite, parce qu’à l’instar de n’importe quel chef-d’oeuvre pour puristes, cette production Disney a connu un cuisant échec commercial lors de sa sortie en salles.
Alors que Tron 2.0 du même Steven Lisberger sera prochainement à l’affiche, Disney (Buena Vista Interactive) décide naturellement de se lancer dans l’adaptation vidéoludique du film. Et c’est Monolith (No one lives forever 1 & 2 -c’est le moteur du second qu’on utilise ici) qui s’y colle pour nous permettre d’incarner Jet Bradley, le fils du créateur de Tron qui a réussi à rendre à nouveau envisageable, 20 ans après, la numérisation d’êtres humains au coeur de la machine. Une technologie évidemment prisée par les multinationales de la planète, dont fCon qui envisage de s’en servir pour numériser des pirates surentraînés et infiltrer de l’intérieur les réseaux du monde. Au moment où Alan Bradley disparaît dans de mystérieuses circonstances, Jet se retrouve plongé au coeur du réseau. Votre mission : sauver votre père et déjouer les plans de fCon qui menace de corrompre l’univers informatique et de modifier, par extension, le réel.
On ne sait pas encore comment Lisberger a relooké son nouveau Tron -à moins qu’on ait voulu jouer jusqu’au bout la carte nostalgie, 20 années de progrès technologiques, ça risque de faire son petit effet-, mais Monolith a plutôt bien réussi son affaire dans la retranscription visuelle de l’univers du film. Le reste est à l’avenant, du bréviaire geek fidèlement respecté, au fameux vecteur omniprésent, en passant par les bonnes veilles courses de light cycles qui viennent rompre la monotonie des phases de shoots habituelles. Habituelles car Tron 2.0 est un FPS, mais originales parce que le contexte se prête allègrement à toutes les fantaisies cyberpunk et autres clichés nerds davantage exploités par le cinéma que par l’industrie du jeu -manque de maturité, de distance probablement. Routines de correction, noeuds E/S, désinfection, défragmentation, portage, Monolith n’a pas fait dans la dentelle, jusqu’à illustrer le formatage de zones en temps réel, ce qui donne lieu à de palpitantes séquences de courses contre la montre pour éviter l’effacement, la désintégration de Jet. Pour vaincre les PAI (programme anti-intrusion), zilotes, corrupteurs et autres dévoreurs de ressources, une seule arme, le fameux vecteur-disque (ou ses dérivés : vecteur-barre, vecteur sphère, vecteur-mesh ; et ses upgrades exploitables après récupération de sous-programmes, disponibles en version alpha -bof-, beta et gold -le top). Difficile à manier le vecteur-disque, pas franchement dévastateur et plutôt pénible à récupérer (effet boomerang oblige), mais on s’y habitue, avant d’admettre que ça nous change un peu des fusils à pompes et des lance-roquettes. Notons pour finir un aspect RPG pas désagréable que Monolith avait déjà su exploiter avec No one lives forever 2. Jet Bradley amasse ainsi régulièrement des points de compilation : à chaque palier de 100, son numéro de version augmente, ce qui permet de revoir à la hausse ses caractéristiques.
Tron 2.0 n’est pas sans défaut. Les missions sont courtes, mais complexe, à tel point qu’on passe plus de temps à réitérer une phase d’action malmenée, à charger ses sauvegardes (un peu long tout de même) et à visionner les cinématiques qu’à véritablement progresser dans le jeu. Qu’importe, ces petites lacunes n’altère pas vraiment ni le charme ni l’intérêt du jeu. Le résultat ne conviendra pas à tout le monde, mais ravira les puristes. Comme le film, décidément.