A l’aube du XXIe siècle, comment ne pas s’interroger sur ce siècle qui s’achève ? Un siècle marqué par une image, un mot, « le camp », devant lequel nous ne sommes que des voyeurs lorsque ces images défilent sur les écrans de télévision. « La politique de ce siècle a proliféré sur des guerres et des tranchées, des camps et des barbelés, des prisons et des persécutions, des misères et des abrutissements, des exploitations et des exterminations. On y a entendu les chiens policiers et les verrous, vu les miradors et les uniformes. Le feu s’est déclaré et les villes, les pays, les continents fument encore après les brasiers récents. Le sang a coulé, à flots. Les larmes se sont mêlé aux cris, les hurlements aux gémissements. » Ces phrases extraites de Politique du rebelle ou Traité de résistance et d’insoumission de Michel Onfray illustrent à plus d’un titre les questions que l’on peut se poser au regard de ce qui s’est passé, mais aussi en regard de ce qui se passe aujourd’hui.
Jean-Luc Payen parle de ce qui dérange : l’enfermement. L’enfermement d’êtres qui n’osent plus prononcer le mot. Car il n’est pas besoin d’avoir des chiens, des barbelés, des miradors, des verrous pour se sentir emmuré dans sa pensée, nous qui avons perdu le sens des mots ! Nous nous croyons libre. Mais qu’en est-il vraiment ? Un homme bascule dans l’univers du camp. Il a dû être dénoncé !? Prétexte pour que le lecteur se sente extérieur au contexte tellement ressassé sur les dictatures du monde entier. Or, tout ceci n’est qu’un leurre, oui, un leurre pour s’interroger sur notre condition. Sommes-nous réellement acteurs de notre vie ? Ne sommes-nous pas des acteurs de Sisyphe ? Qu’est-ce que le camp ? : « quand je mangeais je mangeais et quand je dormais je dormais désormais à chaque instant j’étais pleinement présent bientôt je serais exécuté c’était une certitude absolue mais ça n’était pas aussi grave que je l’avais imaginé parce que je savais que je n’étais pas passé à côté de ma vie et que chacune de mes journées à XCA équivalait à un mois de la vie que j’avais menée à l’extérieur sans cesse je pensais à la mort mais c’est précisément cela qui me plaçait au cœur même de la vie. »
Voilà un soliloque dans lequel la ponctuation a été bannie pour mieux faire découvrir au lecteur le sens des mots ; les phrases s’entrechoquent. Un univers mental où la parole reprend ses droits dans un monde où l’oral et l’écrit s’enchevêtrent dans les méandres du non-sens. Dans ce roman, Jean-Luc Payen plonge le lecteur, non pas dans une méditation sur l’angoisse et la culpabilité, mais dans la réalité quotidienne, le voyeurisme banal de la différence. Il nous incite simplement à retrouver le sens des mots Liberté, Amour, Lumière… En ce sens, XCA Le Camp est une voix emmurée qui gémit, un roman psychanalytique qui dépasse le leurre de la mémoire.