Sous ses airs de film d’épouvante low cost, Identity est avant tout un projet conceptuel et théorique, plus un exercice de style froid et distant qu’un véritable thriller de série B. Dix personnes se retrouvent coincées dans un motel perdu au cours d’une nuit d’orage. Parmi elles, un prisonnier dangereux en transit, tenu en laisse par un policier brutal (Ray Liotta, pas très loin de son rôle de tordu dans Narc). La suite -fuite du serial killer et meurtres en série donc- est attendue. Pas pour longtemps. Bientôt Identity se détraque, déraille, multiplie les embrouilles et ouvre sur un nouveau niveau de narration : celui du Cluedo métaphysique, où l’on apprend que tous les personnages du film sont en fait les facettes d’un même personnage, le narrateur du film, schizophrène délirant cherchant à éliminer chacune d’entre elles pour retrouver son unité mentale.
La complexité d’Identity est somme toute relative. Elle permet au film de « jouer à », de faire le malin, bref de cacher la vacuité absolument sidérante du projet. Les premières scènes, pourtant, sont remarquables, et permettent d’installer une tension parfaitement jubilatoire. Mais au moment où se révèle le petit manège de Mangold (en gros : jouer aux durs avec des moyens de pimousse), Identity s’enfonce dans une vase narrative comme on n’en a pas vu depuis Usual suspects, Memento et autres films cultes pour endives bicéphales. A l’actif du film, en comparaison des deux autres, les gros sabots de Mangold, loin de tout cynisme et de toute ironie, qui permettent à l’intrigue de croire si fort en elle-même qu’elle en devient complètement inoffensive : une sorte de ludisme grossier, à peine plus évolué que la mécanique d’un petit train éléctrique qui tournerait en boucle, et qu’on voudrait nous faire passer pour le comble de la sophistication post-moderne.
Il faut voir dans Identity, objet anonyme et profondément dégénéré, un symptôme de la pseudo-fin des genres à Hollywood (la série B comme matière psychologisante informe, molle et distendue, loin de toute question de mise en scène). Symptôme de déstructuration bien loin de la réalité et qui ne sert, au fond, qu’une poignée de petits malins (Soderbergh, Niccol en têtes de gondole) dont Mangold serait la ramification honteuse, un exécutant tombé pile au mauvais moment, au mauvais endroit. Des films comme Equilibrium, Dark blue ou Détour mortel, parmi les exemples les plus récents, perpétuent la croyance en un cinéma de genre vivifiant et dynamique, à des années lumière de ce type de prise de tête fumeuse et mortifiante.