Révélation de multiples festivals internationaux, Hic arrive à la manière d’un mini-Japón : un film fleurant bon l’exotisme rural et le pittoresque cru -entendez senteurs de bouc et de vieux laitages dans un village perdu de la plaine hongroise-, mais surtout une œuvre estampillée « auteur pré-culte » (durée expansive des plans, absence de dialogues, cadrages au cordeau). Même point de vue, donc : un cinéaste « de passage » qui filme la vie épouvantable des petites gens à travers la loupe de sa caméra d’entomologiste virtuose. Les mâles d’un village meurent mystérieusement. Responsables : leurs femmes, qui les empoisonnent pour hériter plus vite (attention : il ne s’agit pas ni de la clé du film, ni de sa pirouette finale).
A partir de ce résidu narratif tiré de la plus délirante histoire criminelle connue en Hongrie, Pälfi filme des scènes sur le mode de la chaînette surréaliste ou de la guirlande folklorique : deux minutes en gros plan sur les testicules brinquebalantes d’un gros goret pouilleux, au moins quatre sur un repas campagnard en famille (nouilles aux boulettes de poisson-chat en sauce), plus d’un quart d’heure sur un vieux paysan à la tête de mérou (qui hoquette, d’où le titre). Ne se contentant pas de marteler l’analogie autochtones / animaux patraques (« J’ai voulu montrer que l’homme et la nature ne faisaient qu’un » dixit le réalisateur), Pälfi ajoute, dans un élan de génie, de longs inserts animistes à la Malick. De ce bestiaire champêtre (mouches, abeilles, cigogne, chevreuil, poules, dindon, serpent, avec mention pour la grenouille, énorme, et pensée pour la taupe, tuée à coups de pioches après trois secondes d’apparition) ressort une étrangeté facile et complaisante, proche du lieu commun terminal.
A l’Est comme à l’Ouest, rien de nouveau donc, si ce n’est la certitude que le world cinema de festival, du Mexique à la Hongrie, en passant par les fjörds (Noi Albinoi) ou la Belgique (Pauline et Paulette), se complaît désormais dans une satire lisse et formatée des tissus sociaux les plus reculés. Comme ailleurs, la caméra de Giörgy Pälfi semble toujours retenue par une enclume. Ni l’évidence d’un talent naissant (rigueur souple du découpage, rythme et musicalité des enchaînements), ni les recettes barbapapa (le cinéma de genre comme prétexte arty) ne viennent à bout de ce poids mort qui plombe le film de bout en bout : une sorte de formalisme suffisant par lequel rien, d’une réalité complètement aseptisée, ne transpire ou ne déraisonne.