Après l’hagiographie d’un demeuré personnifiant toute l’Amérique contemporaine, puis la résolution du mystère extraterrestre via des retrouvailles sur une plage entre une fille et feu son père, Robert Zemeckis, émule et protégé de Steven Spielberg, fabricant de blockbusters à la chaîne, a dû réfléchir longtemps avant de trouver un sujet à la hauteur du ridicule de ses précédents succès. Armé de la certitude que l’imbécillité fait toujours recette, il a dégotté avec le scénario d’Apparences un nouveau passeport pour le box-office international.
L’indigeste cocktail de drame psychologique, thriller et film d’horreur qui nous est aujourd’hui proposé a coûté près de 100 millions de dollars. Ce ne sont, de toute évidence, pas les idées des auteurs de cet infâme brouet qui ont occasionné tant de dépenses : il n’y en a pas, ou tout au moins aucune d’originale. Ce qui dans Apparences effraie le plus, c’est le crétinisme profond de ce que le film prétend raconter : Claire Spencer vit avec son époux dans une somptueuse demeure de Nouvelle-Angleterre. Après le départ de sa fille pour l’université, elle commence à s’ennuyer, feuillette ses vieux albums de photos en larmoyant et, une fois déshydratée, s’imagine que leur voisin a tué son épouse. Son mari la raisonne, elle voit un psy et sortirait presque de l’hystérie si son PC ne s’allumait tout seul et si elle ne voyait un fantôme chaque fois qu’elle prend un bain. Bientôt, la pauvre Claire comprend qu’elle affronte l’esprit d’une étudiante que son mari a assassinée après avoir eu une liaison avec elle.
Sans entrer dans les détails, ce résumé donne à lui seul une indication des sources auxquelles sont allés puiser Sarah Kernochan et Clark Gregg, les piteux scénaristes crédités au générique. Après trente minutes de fausse piste directement pompées sur un épisode de la série Alfred Hitchcock présente réalisé par Arthur Hiller, mais aussi sur Fenêtre sur cour, le film se prend tantôt pour Soupçon, tantôt pour Rebecca, pour s’achever dans une zone moins honorable à la lisière entre le douteux discours idéologique de Liaison fatale et le grotesque involontaire de la série Z. Pour conférer un peu de respectabilité à cette mauvaise soupe, les producteurs ont débauché deux stars passe-partout : Harrison Ford, un mari qui vous veut du bien, aussi terne et mono-expressif qu’il peut l’être, et Michele Pfeiffer, blonde victime bien coiffée toujours reconversible en ambassadrice L’Oréal. Chacun ayant derrière lui près de dix années de navets juteux, ils se promènent aussi peu concernés que possible au milieu de cette kermesse de gros effets et d’improbables retournements de situations, l’air absents et embarrassés. Zemeckis, lui, croit dur comme fer tenir un suspense hitchcockien alors que son matériau, et surtout le traitement lamentable qu’il lui impose, n’atteint même pas le niveau d’un giallo de bas étage. Attention, Apparences est un produit toxique à tenir aussi loin que possible des yeux.