Jamie Lidell est connu pour avoir participé à l’étrange Head on de Super Collider avec Christian Vogel. Il aurait passé 1 369 demi-journées à enregistrer son album solo, Muddlin gear, pour le label Spymania, distribué par Warp, explorant ce qu’il appelle « les mystères de la basse ».
Confusion, fouillis (« muddlin »), et mécanismes, appareils (« gear ») composent et décomposent cet extraordinaire album vaudou. D’un côté, une musique de machines, aux rythmiques synthétiques, aux sons analogiques déformés et montés en une syntaxe du chaos par l’appareillage technologique de la musique électronique. De l’autre : grimaces de sons (Said dram scam), grabuge free-form de secrètes cérémonies (les claquements de mains de Daddy’s car), cris tordus en échos carapacés (The entroscooper), chamanisme de séquençage (Ill shambâta), funk princier de ténèbres spiralées (00…0), concrétion, compression, archaïsme du mystère (Daddy no lie) et archétypales répétitions (Dröön-99), ce mandala sonore aspire l’auditeur dans un carnavalesque rituel en forme de trou noir encodé.
Masques et spirales, trompettes de la mort, synthétic voodoo, magie noire, pour une musique feedback partie à la recherche d’un grand-père décédé (« who left the planet this year »), en une conversation anachronique et numérique avec les esprits, un dialogue des samples et des morts, une danse de fantômes, Muddlin gear donne l’impression de faire un pas dans l’au-delà, qu’on imaginera désormais peuplé de machines éventrées, câbles rouillés, amplis et boîtes d’effets dévertébrés.
La bio de Jamie Lidell nous dit : « Fut à l’occasion blâmé par des chrétiens sous prétexte qu’il jouait avec le diable. » Si Dieu est partout, alors le diable est ailleurs, et on se demande aujourd’hui où peut bien être Jamie Lidell…