Hideo Kojima crève sans doute d’envie de devenir le Miyamoto next-gen. Seul obstacle à son ambition : il ne suffit pas d’avoir dans son portfolio un seul et unique titre fort (Metal gear solid, en l’occurence) pour parvenir à ses fins. Avec le premier Zone of the Enders, Kojima entendait démontrer qu’il pouvait construire une oeuvre vidéoludique cohérente, réfléchie, le pendant techno-junkie de l’univers rose bonbon du créateur de Mario. On ne demandait qu’à le croire. Malheureusement, Zone of the Enders, malgré une excellente jouabilité, nous avait temporairement dissuadé que l’auteur mégalo de Metal gear solid puisse déployer toutes les facettes de son talent en dehors des exploits furtifs du charismatique Snake Solid. Sans la présence inespérée d’une démo de Metal gear solid 2 et l’effroyable médiocrité de la ludothèque de la PlayStation 2 de l’époque, Zone of the Enders serait probablement tombé dans l’oubli jusqu’à ce que Kojima persiste et signe pour un deuxième opus.
Kojima n’avait pas intérêt à louper le coche une seconde fois : on attend toujours d’un sequel vidéoludique qu’il soit meilleur que son prédécesseur, et le moindre faux pas aurait sans doute condamné la série à croupir dans les oubliettes des jeux de seconde zone. Avec Zone of the Enders 2, l’équipe de Konami Japon s’est littéralement surpassée. Le jeu a été entièrement repensé : plus varié, plus resserré, plus arcade, ce deuxième épisode fait oublier les errements du premier qui tablait maladroitement sur un mix action / aventure nécessitant de nombreux et fastidieux retours en arrière. Le jeu a aussi subi un important lifting graphique, bénéficiant de somptueuses cinématiques-anime, d’un moteur légèrement cell-shadé éblouissant, d’un mecha-design -du talentueux Yoji Shinkawa- et d’une direction artistique qui prolongent les expérimentations esthétiques amorcées avec Metal gear solid 2. Teintes glauques et crépusculaires, esthétique cyber classieuse, Zone of the Enders 2 est un modèle de ce que le jeu vidéo peut offrir de mieux lorsqu’il travaille la forme en profondeur. Même si les décors restent encore un peu primaires dans leur dénuement, ils atomisent définitivement les environnements ternes et passe-partout du premier épisode.
Pas de grands bouleversements au niveau de la maniabilité, si l’on excepte un système de ciblage hérité de Panzer dragoon. Le Jehuty conserve le pilotage gracile, complexe et intuitif qui constituait l’unique point fort de l’épisode précédent. Quasiment rien à jeter si on ferme les yeux sur une caméra un peu trop lente et poussive. Il faudra parfois faire preuve d’un minimum d’abnégation dans certains environnements exigus ou lorsqu’on affronte des boss un peu techniques pour ne pas sombrer dans la crise de nerfs.
En bon joaillier, Kojima est parvenu à faire d’un matériau précieux mais mal poli un petit bijou de gameplay. Evidemment, il n’a pas complètement rénoncé à ses agaçants péchés mignons. Même si elles sont moins encombrantes, et surtout moins embarrassantes, que celles de Metal gear solid 2, les cut-scenes et phases de dialogue passives sont encore un peu trop envahissantes, et ralentissent inutilement le rythme du jeu. On pourra aussi regretter une localisation européenne en demi-teinte, irréprochable d’un côté -présence de bonus exclusifs-, décevante de l’autre -pas de voix japonaises, pas de 60Hz. C’est un peu léger pour un jeu de cette trempe. Mais pas assez dommageable pour entacher trop durement ce pendant vidéoludique des meilleurs anime de mechas, de Gundam à Evangelion, dont Kojima a su tirer (plagier ?) la substantifique moelle pour donner naissance à l’un des plus beaux jeux de la PlayStation 2.