Quinze ans. Ca fait quinze ans que Jay Mascis distille ses solos de guitare hard-rock dans son rock indé. Quinze ans depuis le premier album de Dinosaur Jr, groupe qu’il saborda définitivement en 1997 pour se consacrer à ses travaux solo dans son home studio (tandis que Lou Barlow allait faire son chemin avec Folk Implosion et Sebadoh). Aujourd’hui, pour ce More light guère différent des précédents albums, J Mascis s’invente un groupe pour l’occasion (The Fog), mais reste désespérément seul, ressemblant en cela de plus en plus à son idole Neil Young.
Malgré la présence de quelques comparses chevelus aptes à comprendre Jay Mascis (Bob Pollard de Guided By Voices chante sur trois titres et Kevin Shields de feu My Bloody Valentine ajoute un peu de feedback dans tout ça, comme à son habitude), More light est bien un disque solo. On ne sera pas étonné de constater que les onze titres du disque se caractérisent avant tout par leur mélancolie. Malgré quelques solos vraiment rock’n’roll (qui lui ont valu moult sourires et qui pourtant sont l’essence même de sa musique), on a affaire à des chansons qui sont avant tout des ballades -et qui gagneraient à être un jour dépouillées de toute cette électricité. Du piano et des cordes sur Waistin, du banjo sur Can’t I take this on, des chœurs et du tambourin sur Where you’d go rappellent bien que More light est inspiré par les groupes qui tiennent à cœur à Mascis, à savoir les Stooges (pour la furie) et les Zombies (pour les mélodies). Faire un peu son Cheap Trick sur Back before you go (tous ces titres sur l’absence, le départ, l’attente !) ne l’empêche pas de faire du pur Neil Young sur Ground me to you, soit les tourments de l’adolescence dits par une voix adulte (ou l’inverse).
Bien sûr, ce ne sont pas quelques années de plus qui vont l’empêcher de truffer ses chansons de passages héroïques typiques du rock FM américain (non sans un brin d’autodérision d’ailleurs) comme sur l’étrange I’m not fine (on avait remarqué), affublé d’un solo dont on croyait seul Buckethead capable (autre guitariste seul, en passant). On l’aura compris, More light est un disque sombre, qui se termine d’ailleurs dans un maelström de guitares fuzz en furie (qui évoquent le Sonic Youth de Daydream Nation), comme si Mascis voulait prouver qu’il sait encore faire du bruit. On confirme : il sait encore, et à bon escient ! Ce qui fait que ses chansons, aussi bonnes qu’avant, peuvent encore séduire du monde.
Aujourd’hui, J Mascis a un chien, une villa, un studio d’enregistrement pour lui tout seul et une poignée de fans irréductibles. Si vous en faites partie, ce disque enchanteur et nostalgique est pour vous.