La « présentation sous forme de manifeste » d’Hector Obalk de l’exposition Ce sont les pommes qui ont changé annonce la couleur : « Un peintre peint une pomme sur une toile. S’il supprime la pomme de sa toile, il fait de la peinture abstraite. S’il supprime la toile et pas la pomme, il fait de l’art conceptuel. Et s’il continue de peindre des pommes sur sa toile, il a toutes les chances de faire de la mauvaise peinture. Aillaud, Boisrond, Goldstain, Pomié et quelques autres peignent des pommes sur leurs toiles. Pourtant, nous osons croire que leurs œuvres sont bonnes. » Or, il apparaît d’emblée, et de visu, que ce « (nous) nous osons » a nourri une grande part du débat des commissaires d’exposition, Didier Semin et Hector Obalk, quant au choix des œuvres exposées ! Autant dire que leurs polémiques n’étaient déjà pas très fécondes sur le plan esthétique. C’est un véritable pied-de-nez des commissaires au monde de la culture et de la critique. On n’y voit ni pommes, ni poires, ni d’ailleurs rien qui survive à cet accrochage ! Justifié par une récupération purement dialectique du vocabulaire d’une certaine esthétique avant-gardiste, le choix des œuvres de cette exposition nous laisse perplexes, indignés, frustrés.
On retient des paysages urbains gris. Il s’en dégage une atmosphère morose où les peintres mis au pied du mur devant un monde qu’ils ne reconnaissent pas, et tentent de reproduire leurs sentiments de déroute dans un total mimétisme avec la réalité, sans laisser véritablement se dessiner un ailleurs subjectif sur la toile. Quelques-unes des œuvres seulement nous retiennent. On est attristé voire déçu que Bioulès, ex-« support-surface », ainsi qu’Emmanuel Lacroix et Philippe Cognée soient de la partie pour soutenir ce pseudo-manifeste qui ne concerne pas même leur propre démarche. On aurait envie de décrocher leurs toiles et d’aller les admirer ailleurs, dans un autre contexte. Et tout particulièrement les œuvres de Philippe Cognée. Elles nous invitent, surgissant d’une dimension presque étrangère à la peinture elle-même, à pénétrer une vision, dans un mouvement de va-et-vient entre une matière absolument glaciale et rugueuse et la vibration des volumes peints. La tonalité est différente avec Lacroix, mais nous osons croire que ce jeune artiste né en 1971 nous présente une peinture singulière dans son style -touches et traits rapides-, ainsi que dans son projet : « une peinture sur le vif de ce que l’on voit du monde et non ce que l’on sait ».
C’est à celui qui vient apprécier les peintres intemporels que revient la tâche difficile de se dégager de cette confusion des genres et de se préparer à voir un funeste accrochage, surpris alors au piège par ces dernières œuvres de Cognée et Lacroix.