Rembrandt, cette figure majeure de l’art du XVIIe siècle, nous hante par ses regards. Installé définitivement dans notre imaginaire, bardé d’une aura indéfectible, « Magic Rembrandt » souffre aussi de cette reconnaissance qui, dépassant l’œuvre, s’en détache inexorablement. On croit connaître. Qui, quoi exactement ? Faisons-nous une virginité. Allons à la source. Car pour le visiteur, le vrai plaisir et l’intérêt qu’apporte cette exposition (90 pièces) sont de découvrir l’œuvre gravé de Rembrandt pour la première fois ou de se ressourcer à la fraîcheur de son œuvre original. Dans les deux cas, passé l’obstacle de la foule du Louvre, la visite est vivement conseillée. Ca fait d’ailleurs trente ans que ce musée n’avait pas montré un ensemble d’estampes du maître.
Rembrandt a été autant graveur que peintre. Sa gravure est un accès direct à son œuvre. Elle dévoile l’artiste et éclaire son travail. L’opportunité de vagabonder d’images en images, parfois des presque miniatures, permet de se familiariser facilement avec cet univers qui, en humaniste que l’homme fut, refuse les conventions d’usage et la superficialité. La gravure a souvent l’inconvénient d’être abordée d’un point de vue trop technique. C’est d’abord la manière dont l’artiste traite le sujet qui importe. Et là, Rembrandt est d’une profondeur qui étonne toujours. Paysages, portraits, autoportraits, scènes populaires et religieuses, chacun des sujets, parfois anecdotiques (Le Vendeur de mort aux rats), possède ce quelque chose d’intemporel, une permanence de vérité léguée à son prochain. Pas de théorie, pas de programme. L’intelligence de la sensibilité et un regard. C’est tout. Au service d’un réalisme soigné, jusqu’au pathétique, mais jamais outrancier. La gravure « éclaire » certains aspects de sa figuration et notamment le fameux clair-obscur, un noir et blanc radical qui est constitutif (et non pas simple procédé) de son expression. On pense aux fameuses Trois Croix, ce destin commun lourd de conséquence, ou à L’Annonciation faite aux bergers, écrasés par l’apparition divine. L’une des originalités de la gravure, l’eau-forte dans le cas de Rembrandt, est de pouvoir « cuisiner » en plusieurs fois sa plaque, c’est-à-dire d’exécuter des états différents d’une même image. Il en est montré souvent des 1er, 2e et 3e à la suite. Autres curiosités de l’exposition : deux petites gravures de nus et la seule nature morte de Rembrandt, la Coquille.
Le catalogue qui accompagne cette présentation fait le point sur les dernières datations et découvertes. Il propose également un rappel historique des grandes collections d’estampes de Rembrandt et leur cheminement à travers les siècles. Une mention spéciale doit être apportée à Pierrette Jean-Richard dont c’est la dernière prestation en tant que commissaire d’exposition (19 à son actif), après plus de quarante années passées à mettre en valeur la collection Edmond de Rothschild, principale donation d’art graphique du Louvre d’où est extraite l’exposition.