Les lieux d’exposition insolites seraient-ils de rigueur en cette rentrée ? Après la culée du pont Alexandre III pour L’Art dans le monde 2000, voici que l’association Un sourire de toi et j’quitte ma mère (!) a élu domicile dans un ancien édifice de la Coopération pharmaceutique française afin de présenter l’exposition Usine. Et ce n’est qu’un début, car l’événement va tourner : dans un ancien entrepôt de Roubaix, une ancienne fonderie d’art à Bruxelles et le musée rhénan de l’Industrie d’Oberhausen (Allemagne) qui n’est autre -je vous le donne en mille- qu’une ancienne fonderie de zinc ! L’exposition se veut donc itinérante, mais chaque lieu d’accueil ajoute sa touche personnelle au thème de l’usine. Des représentations théâtrales, projections de fictions et de documentaires, et des colloques auront lieu dans les trois pays (France, Belgique et Allemagne).
Quant à l’exposition parisienne, on y entre un petit peu comme on va à l’usine : on sent que la scénographie -avec port du casque obligatoire- tend vers cette situation miroir (le visiteur dans la peau du sujet « observé ») mais ça fonctionne moyennement. On est spectateur à part entière et on le reste. Après tout, une exposition n’est pas un jeu de rôle… d’autant que la qualité et la diversité des œuvres exposées (tableaux, sculptures, vidéos, installations, photographies, gravures) ainsi que la cohérence et l’évolution du propos se suffisent très bien à elles-mêmes. Tout au long de l’exposition deux démarches apparaissent : le format documentaire qui insiste sur la dureté du travail, la précision des gestes ou encore sur la fermeture des usines ; et le monde ouvrier et industriel pris comme sujet inspirateur donnant d’ailleurs de très belles créations (citons entre autres, les gravures sur bois de Pascale Boillot et les sculptures en fonte de Daniel Fauville).
Enfin, parmi tous ces questionnements sur le monde ouvrier, quelqu’un pensera-t-il, au cours d’un colloque, d’une conférence, à établir des statistiques afin de savoir si les personnes travaillant effectivement en usine vont voir l’exposition et si elles se reconnaissent dans ces œuvres ? On se souvient bien sûr de Fernand Léger soucieux de vouloir offrir la beauté et la culture aux ouvriers grâce à de grands thèmes universels traités en peinture. Cependant, la modernité de ses créations a un temps laissé très perplexe le public visé.