L’exposition du musée d’Art moderne de la ville de Paris se veut didactique et englobe les Fauves dans une mouvance artistique européenne, dont le point commun serait l’utilisation de la couleur, vive de préférence mais non imitative. Malheureusement, ce didactisme ne va pas sans quelques approximations. Que la palette des Fauves s’apparente à celle d’artistes allemands de la même époque, soit ; mais les chemins pour arriver à cette explosion de couleurs, les raisons, comme les buts recherchés, sont-ils si semblables que le parallèle entre les peintres allemands et français puisse être établi sans plus de précautions ?
Un peu d’histoire devient donc nécessaire. En 1905, des artistes -tels Matisse, Derain ou Vlaminck, pour ne citer que les plus connus- libèrent la couleur de la contrainte de la forme et de la représentation. Ils revendiquent l’indépendance de la peinture par rapport à la réalité sans pour autant écrire de manifeste ni même constituer un groupe. Rappelons l’anecdote pour ceux qui n’auraient encore rien lu de l’abondante presse sur l’exposition du musée d’Art moderne ; le nom « Fauvisme » vient de la remarque du critique Louis Vauxcelles, au Salon d’automne de 1905, à la vue d’un bronze d’Albert Marque dans la salle où étaient regroupés les tableaux flamboyants : « C’est Donatello parmi les fauves. » Le Fauvisme s’occupe essentiellement de problèmes esthétiques, proclamation de la peinture pour la peinture. Si les peintres allemands, que l’on regroupe sous le nom d’Expressionnistes, utilisent la couleur avec violence, leur motivation se situe davantage dans des revendications sociales, dans un désir de bousculer un peu l’ordre établi. En 1905, des artistes de Dresde se regroupent et créent Die Brücke (le Pont), tandis que d’autres, à Munich, forment le Blaue Reiter (le Cavalier Bleu). Leurs actions ne se limitent pas à la peinture, ils écrivent, réalisent des tracts et des affiches. Il s’agit bien là d’un art engagé.
Considérons cette exposition comme un aperçu du contexte pictural de ce début de siècle, de l’entrée dans la modernité, de l’art pour l’art. Et ajoutons que les réserves émises n’entament pas le plaisir que produisent les superbes œuvres présentées.