Anne Gorouben part à la recherche des identités ; la sienne dans un premier temps. Pour cela elle retourne là où elle a vécu enfant. Rien de bien exotique, seulement le quartier Montparnasse et notamment la rue d’Odessa. Odessa, la ville où son grand-père vivait avant de venir habiter à Montparnasse avec sa famille. Anne Gorouben, dans sa quête, décide de s’y installer. De ces deux voyages dans la mémoire, la sienne puis celle de ses proches, l’artiste a rapporté des croquis, fusains et pastels, ainsi que des peintures sur de petites planches de bois. Quelques rues, notamment celles de Montparnasse, mais aussi des visages : personnes seules, souvent -on le suppose- accompagnées d’un verre, regards fermés, graves. Autant d’identités saisies et aussitôt perdues. Lorsqu’elle voyage, Anne Gorouben prend des notes dans ses carnets. Ce sont ces paysages et ces visages.
On retrouve ces derniers à la galerie Iléana Bouboulis à travers l’exposition Le Carnet d’Anne (un départ, une arrivée). Anne c’est l’artiste, bien sûr. C’est aussi cette petite fille qui noircissait d’autres carnets en d’autres temps, plus hostiles, mais pas si lointains. Et puis Anne demeure, pour l’artiste et certainement dans chaque visage qu’elle peint désormais, cette amie, emportée par le cancer. Les identités se mêlent, rapprochées par un prénom et par la peur de la mort.
Est-ce cette angoisse qui a mené l’artiste vers ces chutes de planches dont on ne veut plus ? Quoi qu’il en soit, Anne Gorouben les récupère et leur offre une seconde vie en y peignant les visages qu’elle croise dans les cafés, les ports et les rues. Belle idée que celle de vouloir s’adapter aux formats, petits et toujours différents, de ces « restes » de bois. Elle en réalise tellement qu’ils couvrent le mur du fond de la galerie et celui de la salle d’exposition de la rue des Francs-Bourgeois, comme une mosaïque de visages, de personnes. D’identités, en somme.