Originaire de Vilna, Lasar Segall quitte la Lituanie à quatorze ans pour se former dans les académies des Beaux-Arts de Berlin puis de Dresde. Inspiré par ses origines juives et confronté aux différents mouvements artistiques qu’il côtoie, il se forme un style personnel, mélange de cubisme et d’expressionnisme, auquel il associe une réelle diversité technique : lithographie, aquarelle, mine de plomb ou pastel sur papier, huile sur toile, eau-forte, plume et encre, gravure sur bois. L’exposition retrace la carrière et l’évolution de l’artiste, de l’Allemagne au Brésil, de l’expressionnisme au primitivisme, assortie de photographies, revues et divers témoignages de l’époque.
Ses premiers travaux représentent des scènes relatant la misère, la mort et la nostalgie. Pour travailler librement, il décide de s’affranchir de toutes les règles plastiques et rejette la proportion et la perspective qui, selon lui, sont secondaires, comme en témoigne la lithographie Après le pogrom (1912). Les corps y sont soumis à la distorsion, les maisons forment un cadre sombre et oppressant autour de cadavres contorsionnés ; l’agressivité du dessin souligne la gravité du thème, l’horreur des massacres L’intérêt qu’il porte à la psychologie et à l’intensité des émotions ne fera que croître et certaines images ne seront pas sans rappeler l’œuvre de Munch. Sa toile Eternels errants (1919), composée de personnages cubiques aux visages disproportionnés et d’une triade de couleurs (bleu, jaune et violet) typique de son expressionnisme, sera utilisée par les nazis en 1937 à Munich, lors de l’exposition « Entartete Kunst » (Art dégénéré).
Lasar Segall s’installe à São Paulo en 1923 et acquiert la nationalité brésilienne en 1927. Les premières toiles de cette période témoignent de son goût pour le primitif et l’exotique et de sa fascination pour la terre de tous les métissages. Il représente les figures du Brésil sur un mode ethnographique et coloré, comme dans Mulâtresse et enfant (1924). A l’approche de la guerre, il aborde à nouveau les thèmes de l’exil et de la persécution, imaginant les atrocités qui se préparent en Allemagne. Puis son œuvre se mue en une étude introspective du paysage : il utilise la nature comme métaphore de l’humanité. Dans la toile Forêt avec bribes de ciel (1954), il se rapproche d’une spiritualité croissante (incarnée dans la nature) et d’une vision nouvelle plus vaste : au premier abord abstraite, la toile représente en fait un paysage luxuriant d’arbres et de hautes herbes que pénètre la lumière vive du soleil.
L’exposition nous permet de suivre l’évolution artistique d’un peintre profondément humaniste, en quête d’une spiritualité universelle, d’une terre promise où chaque homme serait l’égal de l’autre.