Cette exposition vaut plus par les questions qu’elle soulève et la singularité des œuvres qui sont présentées que par leur rareté. Elle a pour double objectif de faire découvrir au public le docteur Paul Gachet -franc-maçon, positiviste, passionné de peinture et de gravure, ami d’Armand Guillaumin, de Pissaro, de Cézanne, de Van Gogh- et de tenter de mettre un terme à une controverse née dans les années 50, lorsque son fils fit don aux musées nationaux (en 1949, 1951 et 1954) d’une partie de la collection Gachet. A cette époque, la découverte de chefs-d’œuvre totalement inconnus, comme L’Eglise d’Auvers de Van Gogh, fit beaucoup de bruit. Les toiles avaient été jalousement conservées dans la maison d’Auvers-sur-Oise, sacralisée par le passage de ses hôtes devenus illustres, et on n’en avait jamais vu de reproductions. Rapidement la rumeur colporta que plusieurs de ces toiles n’étaient que des faux, peints par le docteur Gachet (alias Paul van Ryssel), son fils Paul (alias Louis van Ryssel) et l’amie de celui-ci, Blanche Derousse. Qu’en était-il ? Depuis, le monde de l’art est sur les dents : les conservateurs de musées et les experts aimeraient bien prouver qu’ils n’ont pas été bernés ; les heureux propriétaires de toiles, acquises à prix d’or, tremblent qu’un beau matin quelque Cassandre ne vienne les déloger de leur petit nuage ; quant aux polémistes, ils polémiquent, ce qui est dans l’ordre des choses.
Que nous « dit » cette exposition ? Dans la première salle, la découverte d’authentiques Gachet et Derousse, pour lesquels on ne donnerait pas un fifrelin, fait douter du bien-fondé de cette polémique. Dans les salles suivantes, on trouve, côte à côte, des toiles de maîtres et leurs copies, revendiquées comme telles par leurs auteurs : par exemple, un Portrait du docteur Paul Gachet de Van Gogh (ci-dessus) jouxte celui que par la suite le docteur Gachet a réalisé et signé ; les Pommes vertes de Cézanne côtoient leurs copies, signées Louis van Ryssel et Blanche Derousse, etc. Les exemples sont multiples. On se passionne. On s’y perd un peu. La balade parmi les « vrais vrais », les « vrais faux », les « peut-être » et les « anciennement attribué à » nous conduit ensuite vers sacro-saint espace réservé à messieurs les experts. Leur étude a porté sur sept tableaux de Paul Cézanne et de Vincent Van Gogh, appartenant tous à la collection Gachet : il semblerait que le carbone 14 et autres techniques d’interprétation n’aient pas encore répondu de façon irréfutable à cette question cruciale : le docteur Gachet, un modeste copiste qui cachait un faussaire de génie ?
Je laisserai le dernier mot à Anne Distel, historienne de l’art, conservateur en chef au musée d’Orsay : « Gachet, artiste sans talent, collectionneur sans fortune, homme solitaire, obscur, cherchant les reflets de la gloire des autres ? Peut-être. Mais faussaire, non ! « .