Evohê, Evohê! Quinze petits dessins, rassemblés sur un des murs de l’exposition de Richard Laillier à la Galerie Koralewski, entraînent le spectateur dans une bacchanale échevelée. Des corps en mouvement, penchés, agenouillés, rappellent les plus grands formats qui les encadrent, tandis qu’en vis-à-vis, une série de nus allongés invite à l’abandon.
Chez Richard Laillier, les thèmes naissent de la matière, de sa pratique originale de la pierre noire. Mais avec cette troisième exposition personnelle dans ce lieu, son dessin dépasse résolument le statut de curiosité technique en atteignant sa plénitude dans des grandes dimensions parfaitement maîtrisées.
Il recouvre d’abord de pierre noire un papier spécial, puis la gomme et les doigts font surgir de cette mélasse des contours clairs et des surfaces irrégulières, évoquant la palpitation des chairs. Le contraste du noir et du blanc n’intervient pas ici sous les auspices d’un clair-obscur traditionnel: la lumière n’est pas un rayon ponctuel qui découpe une partie du corps, elle est au sein de la figure même qu’elle fait apparaître. Ainsi une croupe généreuse observée à contre-jour se résume-t-elle à un filet de lumière qui ne suggère pas nécessairement le reste du corps, mais peut être saisissable en soi, et peut aussi signifier tout autre chose, comme les méandres de la rivière.
Sur ce fond noir impénétrable, les figures perdent tout point d’attache, elles sont des formes absolues. La perspective qui leur est appliquée peut alors donner lieu à des aberrations anatomiques, et faire de ces êtres humains des créatures étranges, parfois inquiétantes, jamais innocentes.
François Dournes
Galerie Koralewski
92, rue Quincampoix Paris 3e
Renseignements : 01 42 77 48 93
Jusqu’au 12 juillet 1998