Qu’attendre aujourd’hui d’un nouvel Alien ? Qu’attendre, vingt ans après, d’une saga aussi accomplie et presque exemplaire, qui aura su ponctuer de son invariable noirceur chaque étape de l’odyssée du blockbuster (Le Huitième Passager est sorti deux ans après Star Wars, Alien la résurrection quelques mois avant Titanic) ? Au long de ses quatre épisodes, la franchise n’a pas ménagé ses efforts pour maintenir son niveau d’excellence : elle a su varier les styles, changer de peau, éprouver sa résistance, remodelant son esthétique et ses enjeux sans jamais donner le sentiment de dénaturer la cohérence de son univers. Qu’attendre donc aujourd’hui  d’un mythe qui, en deux décennies, parait avoir déjà tout donné ?

Plus grand chose, semblait concéder Ridley Scott avec Prometheus. Sorti en 2012, ce prequel à demi avoué d’Alien proposait à son spectateur attentif une manière de jeu de pistes amnésique, réactivant d’une scène à l’autre les gimmicks de la saga sans jamais donner l’air d’y toucher. Une approche à la fois citationnelle et archéologique, qui faisait mine de remonter à la source du mythe (d’où viennent les aliens ?) pour mieux capitaliser sur sa propre légende (les quatre épisodes, allègrement cités). C’était à la fois très excitant et très décevant, et c’est de prime abord le même programme que vient exploiter cet Alien Covenant, lequel se présente comme la suite directe de Prometheus, en même temps qu’un trait d’union encore plus net avec Alien le huitième passager.

Lancée aux confins de l’espace pour peupler un nouveau monde, une expédition fait face à une tempête solaire qui détériore son bâtiment et l’oblige à atterrir sur un astre inconnu. Alors que tout porte à croire que ce Mayflower a échoué sur une terre hospitalière, l’exploration vire à la débâcle lorsque certains colons se trouvent infectés par un étrange virus. Après quelques étourdissements, les victimes constatent en effet trop tard qu’ils sont devenus les hôtes de parasites gélatineux, qui profiteront du moindre orifice pour s’échapper avant de décharner tout sur leur passage. Ca vous dit quelque chose ?

Oui, nous aussi, et l’air de rien, c’est la première bonne surprise de cet Alien Covenant : après un long prologue d’installation aussi prévisible qu’agréable (Scott navigue à travers les passages obligés du genre avec l’aisance d’un vieux loup de mer), le film bascule sans transition dans le survival sanguinolent et accélère son rythme cardiaque avec une sauvagerie inattendue. Sauf qu’il s’agit là encore d’un faux départ : alors qu’on pensait Scott prêt à dérouler 1h30 de cache-cache oppressant dans la jungle, à la façon de John McTiernan dans Predator, l’intrigue préfère temporairement éloigner la menace pour réinvoquer l’androïde émancipé de Prometheus, qui apparait comme par magie au mitan du film pour rapatrier la petite troupe dans son antre.

L’occasion, pour Scott, de faire d’une pierre deux coups, en entraînant cet Alien Covenant sur les traces de son deuxième et dernier chef-d’oeuvre (Blade Runner) : le film explore ainsi les états d’âme des êtres synthétiques à travers un apprentissage énamouré entre deux androïdes, de même qu’il finira par rejouer par la bande le duel néandertalien entre l’homme et la machine intelligente. Parce que l’homme a créé le robot en oubliant de lui offrir un destin, le robot se venge et crée l’alien pour 1- détruire son créateur ; 2- devenir à son tour le dieu d’une forme de vie parfaite. Une mutation des enjeux dans le fond assez étrange, pour une mythologie dont l’inconscient horrifique a toujours reposé sur le viol, l’angoisse de la procréation, la féminité agressée et outragée. Résultat de ce retournement : le xénomorphe est devenu un danger secondaire, cessant d’être un prédateur impitoyable pour se transformer en marionnette passablement apprivoisable. C’est pour le coup assez dommage : car à force de vouloir expliciter le passé de sa bestiole, Scott la désacralise, au point d’en galvauder la suprématie cauchemardesque (le film est brutal, mais très peu flippant).

Heureusement, le Britannique a plus d’un tour dans son sac, et profite de son dernier tiers pour relancer cet Alien Covenant sur les rails décomplexés du slasher protéiforme. À l’opposé de l’intrigue minimaliste du Huitième passager, le réalisateur déplie ici un feuilleté de péripéties qui s’offrent comme autant de variations proliférantes autour du souvenir des films originaux (coup sur coup, les duels d’Alien 1 et 2 sont rejoués sur un mode mineur). Sans aller jusqu’à l’extase, il y a quelque chose de très sympathique à voir Scott pulvériser son mauvais goût sur ce revival en forme de célébration fiérote des grandes années du blockbuster (on parlait de Predator, mais le film multiplie aussi les clins d’œil aux Jurassic Park de Steven Spielberg).

D’autant que cette course aux origines semble trouver un malin plaisir à trébucher sur ses attentes : on traque chaque spasme des protagonistes avec l’excitation de voir surgir le premier alien pur jus, mais Scott ne résiste jamais à la tentation d’ajourner cette épiphanie. On apprendra ainsi que cette nemesis parfaite est en fait le fruit d’une succession de tentatives et de croisements génétiques foireux. Et cette nouvelle saga de zigzaguer pareillement de ratages en maladresses, de déformations en hypertrophies, prétextant de vouloir raccorder avec le phénix de 1979 (il y a pourtant peu de chances de voir Scott mener à bien les 3-4 films qu’il nous promet encore) pour mieux barrer la route à la nouvelle génération qui souhaiterait se l’approprier (le cinquième épisode confié à Neil Blomkamp, toujours en stand by). 

Certes, le spectateur ne trouvera qu’à moitié son compte au milieu de cet exercice de démiurge gâteux, aussi ravi d’avoir recouvré ses jouets d’enfance que farouche à l’idée de les prêter. Mais en même temps, difficile d’en vouloir complètement à Scott, qui trouve dans cette quête perdue d’avance le viatique idéal pour recycler ad libitum l’aura de ses deux coups d’éclats. Manière d’ironiser judicieusement sur la problématique de son androïde névrosé, serpentant d’un épisode à un autre pour chaque fois constater l’échec de sa mégalomanie frankensteinienne. Si le réalisateur donne donc le sentiment qu’il n’en aura jamais fini avec Alien, il semble au moins conscient de courir après une chimère. 

4 COMMENTAIRES

  1. Très mauvais film… le scénario s’embrouille dans une réflexion absurde sur la pensée des hommes synthétiques et finit par se perdre mollement dans une tentative de nous rejouer Alien le septième passager sans jamais atteindre le niveau du premier… Au final, une grosse déception…. avec le sentiment de ne même pas avoir « rencontré » vraiment les personnages sont l’identité et la vie restent totalement secondaires à l’intrigue…

  2. « Scott navigue à travers les passages obligés du genre avec l’aisance d’un vieux loup de mer »
    Vous êtes vraiment pas difficile; il sucre clairement les fraises le Ridley. Y’a aucune aisance, le film est chiant et pataud de A à Z. Le scenario tombe a plat au bout de 15 minutes, les dialogues sont dramatiquement creux. C’est un plantage intégrale. Ridley a réussi à réduire une des franchise avec le plus de potentiel et de soutient des fans en un film d’action surproduit complétement inepte – il faut le faire… J’avais déjà perdu pas mal de respect pour Ridley en allant voir Prometheus, il m’a achevé avec cette bouse.

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