Exposition prémonitoire ? Début septembre, le port de Sète est bloqué, les marins pêcheurs revendiquent, négocient pour faire face aux problèmes de carburant. A quelques mètres du conflit, face à la criée, un grand bâtiment gris, le Centre régional d’Art contemporain accueille 30 artistes pour Négociations. Une boîte en bois, une porte à ouvrir : une explosion de lumière et de musique techno… Vous voici dans un mini-night-club, référence 44/01 à acquérir pour 15 000 F sur le catalogue Buy-Sellf. Nous ne sommes pas dans un de ces fameux Concept store mais dans un centre d’art. Gaël Amzalag y vend sa propre monnaie, billets numérotés et signés alors que Mathieu Laurette nous propose de participer à la fondation de la Laurette Bank Unlimited et nous ouvre les portes de l’actionnariat. Négocier son pouvoir marchand ?
Les sculptures de Wang Du représentent des personnages politiques, des stars people, réalisés à partir de leur photographie tirée d’un magazine. L’artiste ne reprend que ce qui est visible dans le tabloïd et construit ainsi des êtres tronçonnés. Un nouveau type de canon de beauté, basé sur le pouvoir et sur une esthétique des médias. Négociation d’image ?
Plus loin, Thoma Derman nous offre Copyshop, gigantesque cliché d’un photocopieur d’entreprise. Il nous rappelle le rôle contractuel de l’engin et la manière dont nous emmagasinons, doublons, archivons des documents… dans quel but ? Négociation de salaire, de prime au licenciement ?
Pour continuer la réflexion sociale et politique, Gülsün Karamustafa nous ouvre sa boutique. Il expose une valise-boutique dont le contenu a comme valeur une passe. Vendre son corps pour acheter des biens, les revendre et se perdre dans la spirale de la femme-objet ! On peut acheter un article, il sera photographié, archivé et présenté dans l’exposition. Tout est à négocier, du téléphone portable tendance aux corps décatis. Commerce de chair, commerce clandestin, nous nous retrouvons dans une économie parallèle, celle de la démerde.
Retour à plus de poésie, la vidéo de Ninar Esber, A mon seul désir, nous fait plonger dans une vision personnelle de la négociation. Une création douce et originale où nous assistons à un échange sensuel et intime entre un homme et une femme. Cette œuvre, simple et forte, brise un peu le ton dénonciateur et la contradiction de certains artistes présents dont la critique de notre société de consommation est parfois surannée.
D’autres artistes donnent leurs points de vue sur les Négociations : Fabrice Hybert présente ses amphores, Jacques Villeglé ses affiches lacérées, Marcel Broodthaers un lingot d’or. Le CRAC continue d’explorer un thème axé sur l’art et le commerce et nous offre une programmation intéressante, originale et très contemporaine. Un dernier point à souligner : ici, pas besoin de négocier l’entrée… elle est gratuite !