Le titre était très prometteur, dans la mesure où il reflète l’époque. Le livre est en-deçà de cette espérance. Pas tant en raison de la jubilation -incontestable- de son auteur à écrire cette histoire, qu’en raison des limites de l’intrigue (un classique du moment : documents secrets à récupérer, mafias russes et italiennes, flics ambigus, services secrets, cavale, coups de feu -du gros calibre-, et mise en échec de ces derniers ; sans oublier les effets rédempteurs de la femme perdue et finalement retrouvée). Entendons par limites, non pas les effets (pour le coup réussis) imprimés : action cohérente, progressant sans heurt, mais plutôt le manque d’épaisseur de personnages pourtant attachants.
Les jeunes auteurs se consacrent soit au style soit au ton. Rarement aux deux à la fois. Gilles Card n’échappe pas à cette règle. Pour ce premier essai à demi-concluant donc, ce n’est déjà pas si mal. Il n’y a rien d’irrémédiable. Car le plaisir que procure Art et pratique du chaos est réel. Les inconvénients mentionnés plus haut finissent par s’estomper, pour peu qu’on se laisse submerger par l’action. Que l’on enrage pas trop quand le principal protagoniste, limier zélé, se perd dans des considérations stratégiques (cette façon de convoquer Sun Tzu ou Clausewitz devient lassante chez les auteurs de polars). A lire d’une traite, dès maintenant, ou à garder à proximité d’une main entre deux bains de mer, cet été.