Richard Ford aime la France (qui, au passage, le lui rend bien). Pour preuve, deux des trois nouvelles de son dernier livre, Women Without Men, se passent à Paris. Il y a moins d’un mois, il se trouvait dans notre pays pour un colloque consacré à William Faulkner. Ce fut l’occasion pour lui de marquer ses distances avec le grand-écrivain-du-sud-américain. Pourtant, sans revenir sur l’ensemble de son œuvre, et notamment sur son premier roman, Une Mort secrète, des passerelles existent entre chacun de ses livres. Haddam, une banlieue du New Jersey, sert de cadre géographique aux aventures de Frank Bascombe, le héros d’Un Week-end dans le Michigan et d’Indépendance, à l’image du comté faulknérien de Yoknapatawpha, avec toutes les restrictions d’usage. Là s’arrête le parallèle.
Car s’il est un écrivain auquel fait penser Ford, c’est avant tout à Raymond Carver, son ami. Même volonté de saisir les êtres dans leur quotidienneté. Même attrait pour l’Amérique profonde. Mais, à la différence de Carver, qui opère par petites touches sèches, Ford se lance avec Indépendance dans un roman-fleuve. L’attention portée aux détails, la multiplication d’histoires dans l’histoire, et la profusion des personnages anodins, mélancoliques et solitaires créent, au fil des pages, un sentiment d’enlisement et d’ennui auquel le lecteur n’échappe pas complètement. C’est finalement lui la première victime de cette volonté obsessionnelle d’appréhender l’Amérique de manière totalisante. On peut le regretter.
Fabien Spillmann